forum_C : Une histoire de temps et de musique: les films d’Anne Schiltz

Une fois n’est pas coutume, je vais parler d’un film auquel j’ai – très modestement – participé. Le CNA (où je travaille) programme à partir du 28 novembre le film Courants d’airs d’Anne Schiltz. Son nom ne vous dit peut-être rien. Anne Schiltz est en effet une réalisatrice plutôt discrète mais qui produit pas à pas une oeuvre originale et personnelle, parmi les plus attachantes au Luxembourg.

Son parcours est assez atypique puisqu’elle sort non pas d’une école de cinéma classique mais du très réputé Granada Center for Visual Anthropology à Manchester. Venant de l’anthropologie, son travail se concentre sur les gens, leur histoire, la manière dont ils interagissent et la façon dont s’exprime leur culture à travers ces relations mais aussi l’usage technique et symbolique qu’ils font de certains objets et instruments. L’immersion dans le milieu à étudier, l’attention portée aux gestes et aux rituels quotidiens, font partie intégrante de l’anthropologie.

Intitulé The Sweet Life And All That Goes With It (2002), son film de fin d’études relève exactement de cette approche. Anne Schiltz a partagé pendant quelque temps la vie d’une famille d’origine allemande venue il y a plusieurs générations s’installer en Roumanie. Le vieil homme et sa fille sont restés là alors que la majorité de leurs amis ont choisi après la chute de Ceaușescu de „retourner“ en Allemagne (où ils n’avaient en fait jamais vécu). Dès ce premier film, Anne Schiltz fait preuve d’une belle sensibilité dans ses rapports avec les personnes interviewées. En s’attardant sur les objets quotidiens et sur les traditions en train de disparaître, en laissant à ses interlocuteurs le temps de s’exprimer, elle capte la vie qui passe doucement et pose en filigrane quelques questions essentielles sur notre société.

The Sweet Life And All That Goes With It (c) Granada Center for Visual Anthropology

De ses études anthropologiques et de ce premier film, Anne Schiltz conservera une façon très particulière de rythmer ses films, sans hâte, en laissant le temps au temps. A une époque où les plans doivent être toujours plus courts et les montages toujours plus rapides parce que l’attention du public est supposée baisser après seulement quelques minutes, elle tient les spectateurs en haleine avec une jeune femme qui organise des courses d’escargots (Eng Saach vun Zäit, 2017), un homme qui apprend difficilement à écrire sur le tard afin de pouvoir raconter la terrible histoire de son enfance (Ni ze spéit, 2015) ou les gestes précis d’un luthier qui fabrique un violoncelle dans le silence de son atelier (Cello Tales, 2013). Même si elle soutient que cette thématique du temps réapparaît de façon inconsciente dans ses films, ce n’est pas par hasard qu’un de ses documentaires, produit pour la série routwäissgro sur RTL s’intitule Eng Saach vun Zäit.

L’autre grand thème d’Anne Schiltz est la musique. Elle apparaît pour la premier fois dans son documentaire sur l’Erythrée (Gordian Troeller Revisited – Erythrée, 2007) et devient le sujet central du long métrage Cello Tales. A l’origine de ce dernier, il y un violoncelle volé à un musicien et la longue quête de sa fille qui finira par le retrouver à Hong Kong. C’est pour la réalisatrice le prétexte à une enquête passionnante sur la valeur – matérielle, historique, artistique, symbolique et sentimentale – que nous donnons à cet instrument.

Cello Tales (c) Samsa Film

Après un détour par un portrait de l’écrivain Roger Manderscheid (E Futtballspill am Schnéi, 2014, coréalisé avec Tom Alesch), elle est revenue à la musique en acceptant une commande du CID Fraen an Gender. Ce dernier lui a demandé de filmer en 2015 le festival Musiciennes à Ouessant qui rendait cette année-là hommage à la compositrice luxembourgeoise Lou Koster. Au lieu d’un simple reportage, Anne Schiltz en a fait un beau documentaire sur la musique de Lou Koster, le festival, les musicien(ne)s et compositrices qui y ont interprété et réinterprété les airs de Lou Koster. Après avoir visionné le montage, le Centre national de l’audiovisuel a accepté a posteriori de prendre en charge le travail de postproduction sur le son. Ce film de 45  minutes, intitulé Courants d’airs (regarder le trailer ici), est visible à partir du 28 novembre au CinéStarlight à Dudelange.

Courants d’airs (c) CID Fraen an Gender / CNA

* L’auteure est la responsable du département film au Centre national de l’audiovisuel

 

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