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forum_C : Vers une disneyification de l’offre cinématographique
Le 14 décembre dernier, Rupert Murdoch a annoncé qu’il allait vendre, pour la somme de 52,4 milliards de dollars (66 milliards en comptant la reprise des dettes), la majeure partie de la 20th Century Fox à la société Disney. La somme sera payée en actions ce qui fera au passage de Murdoch l’un des plus gros actionnaires de Disney. Bien que des rumeurs aient déjà couru, l’annonce a fait l’effet d’une bombe. De l’avis général, la vente de la Fox à Disney renverserait de façon drastique les rapports de force dans les médias non seulement américains mais internationaux et propulserait Disney, déjà numéro 2 parmi les grands studio hollywoodiens, loin devant ses concurrents en assurant à la société de Mickey près de 40% de parts du marché cinématographique aux Etats-Unis!

Ce qu’achète Disney (parmi d’autres choses):
– Cinéma: les sociétés de production et de distribution 20th Century Fox (détentrice e.a. des franchises Star Wars, Alien, Avatar, Planet of the Apes, X-Men, Deadpool mais également productrice du nouveau film de Steven Spielberg The Post) et Fox Searchlight (spécialisée dans les films art et essai; sous son logo sont sortis Black Swan, Birdman, The Grand Budapest Hotel, Demolition, Jackie, The Shape of Water ou encore Three Billboards Outside Ebbing, Missouri) ainsi que Blue Sky Entertainment (un studio d’animation à qui appartient la franchise Ice Age et qui vient de sortir Ferdinand).
– Télévision: Endemol Shine Group (qui produit des programmes de télévision dans le monde entier), Fox Television (producteur de séries comme Homeland ou The Simpsons), la chaîne National Geographic, la société indienne Star (qui détient e.a. les droits sur les matchs professionnels de cricket), diverses chaînes sportives ainsi que des parts substantielles dans l’opérateur européen de télévision par satellite Sky.
– Internet: les parts (30%) de la Fox dans le site de vidéo à la demande Hulu (producteur de The Handmaid’s Tale, Hulu est actuellement disponible uniquement aux Etats-Unis et au Japon) ce qui conférerait à Disney, déjà copropriétaire, 60% des parts dans cette société.
La chaîne américaine Fox News, célèbre pour ses prises de position très conservatrices, ne fait pas partie du deal, ni les journaux papier (The Sun, The Times, Wall Street Journal, e.a.) détenus par Murdoch.
Le conditionnel reste de mise car les autorités de la concurrence aux Etats-Unis ont encore leur mot à dire. Plusieurs parlementaires démocrates, ainsi que le syndicat des scénaristes américains, ont immédiatement demandé des auditions à ce sujet. Mais au final, c’est le département de la Justice qui prendra la décision de permettre ou non la fusion. Le président Trump est déjà d’avis que cela s’avérera „a great thing for jobs“.
Les conséquences du deal
On peut parier que les employés de la Fox ne partageront pas l’optimisme de Trump. Bob Iger, PDG de Disney, a annoncé que la fusion des deux sociétés devrait permettre d’économiser 2 milliards de dollars, ce qui ne laisse augurer rien de bon ni pour les emplois, ni pour les différentes entités de la Fox. Outre le studio d’animation Blue Sky qui n’a plus vraiment lieu d’être face à Disney et Pixar, on peut en effet craindre que les films (et séries) qui vont en faire les frais les premiers seront ceux qui sont les plus difficiles à vendre et attirent le moins de spectateurs, ce qui réduira immanquablement les possibilités de réaliser mais aussi de distribuer des films ambitieux pour un public adulte aux Etats-Unis et par ricochet ailleurs dans le monde. L’offre globale se ‚disneyifiera‘ un peu plus.

Le principal objectif de Disney est toutefois de concurrencer Netflix. Disney avait déjà annoncé l’arrêt de sa collaboration avec ce dernier et le lancement de ses propres sites de vidéo à la demande. Ayant avalé Pixar en 2006, Marvel en 2009 et Lucasfilm en 2012, Disney disposait d’un catalogue conséquent mais pas encore suffisant pour faire le poids vis-à-vis de Netflix. L’acquisition de la Fox lui apporte plusieurs milliers de films. Mais l’une des grandes questions est jusqu’à quel point Disney sera prêt à diversifier son offre pour augmenter son poids dans la vidéo à la demande.
Le rachat de la Fox lui permet entre autres de rassembler à nouveau les X-Men (dont les droits avaient été vendus à la Fox par Marvel avant l’acquisition de cette dernière par Disney) avec les autres personnages de Marvel mais déjà les fans s’inquiètent de ce qui va arriver à un personnage comme Deadpool, très peu ‚family-friendly‘. Ou, dans un autre genre, aux Simpsons? Pour distribuer des films moins compatibles avec l’image bon enfant de Disney, la société avait créé dans les années 1980 le logo Touchstone qui n’est plus utilisé et elle a vendu en 2010 Miramax qui, à l’époque où Disney en était le propriétaire, sortait Pulp Fiction, Clerks, Gangs of New York, No Country For Old Men, There Will Be Blood. On avait pu en conclure que Disney avait abandonné ce marché. Va-t-il s’y remettre pour faire face à Netflix et fournir du contenu à Hulu (qui vise un public plus adulte)? Bob Iger a promis que Disney ne cherchera pas à modifier la „culture“ des entités rachetées à la Fox et les optimistes rappellent que c’est bien ainsi qu’il a agi avec Pixar. Mais Pixar visait comme Disney un public familial !
L’autre grand souci est celui de la situation de quasi-monopole que Disney acquiert dans certains domaines. Outre de multiplier ses revenus cinéma grâce au grand nombre de franchises dorénavant détenues, ces mêmes franchises viendront enrichir ses parcs d’attraction ainsi que l’offre de produits dérivés. Ajoutez à cela les bénéfices que rapportera à Disney un poids démultiplié dans le domaine de la télévision, une présence internationale beaucoup plus grande grâce à Sky (22 millions d’abonnés en Europe) et Star (650 millions de spectateurs chaque mois en Inde), et il est évident que Disney va acquérir une puissance jamais connue auparavant. La presse s’en émeut, surtout après que Disney a essayé d’interdire l’accès à une vision de presse à un journaliste du Los Angeles Times sous prétexte que ce journal avait publié un article critique sur la société. Les exploitants s’inquiètent aussi car Disney pourra imposer ses desiderata (concernant la programmation de ses films et le pourcentage à reverser à Disney). Pour y faire face, ses concurrents vont devoir s’agrandir à leur tour. Et ils ont l’argent nécessaire à cet effet puisque la réforme fiscale de Trump va leur permettre de rapatrier des milliards de dollars aux Etats-Unis. On parle déjà de l’acquisition de Netflix par Apple.
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