forum_C : „Jusqu’à la garde“ de Xavier Legrand ★★★★☆

Rigoureux, dur, implacable: le premier long métrage de Xavier Legrand est un grand film sur la violence conjugale.

Quand le film commence, on est dans le bureau d’une juge, c’est-à-dire que Miriam (Léa Drucker) a déjà survécu à des années de harcèlement, de manipulations, de menaces et d’angoisse que son avocate résume en quelques termes convenus mais que le regard droit devant elle de Miriam, tétanisée de se retrouver à un mètre de son mari Antoine (Denis Ménochet), dit mieux que mille mots. La séparation a eu lieu, elle est maintenant là pour dissuader la juge de confier à Antoine la garde alternée de leur fils Julien, 11 ans. La juge tente de se faire une idée. Julien a écrit une lettre pour dire qu’il ne veut plus revoir son père mais n’est-il pas manipulé par sa mère? Seul homme entouré par quatre femmes, Antoine a l’air d’un gros ours un peu perdu, blessé au plus profond de lui-même par les mots de son fils que vient de lire la juge. Ses collègues de travail certifient qu’il ne boit pas, qu’il n’est pas violent. Miriam ne peut pas prouver les menaces. Qui croire?

(c) Haut et Court

Julien sera l’enjeu mais aussi le pion dont se sert Antoine pour garder son emprise sur sa femme. Tant qu’il y a Julien, tant que lui a Julien, elle ne peut pas l’ignorer. Elle est obligée de lui répondre au téléphone, obligée de lui parler, obligée de lui ouvrir la porte. Julien devient le moyen qu’il a encore pour la terroriser. Julien le sait et tente de protéger sa mère comme il peut, mentant pour elle, prenant le risque de détourner sur lui la colère de son père.

Xavier Legrand a évité le piège qui aurait été de faire d’Antoine une brute. Antoine ne crie pas, du moins pas tout de suite, il ne frappe pas. Sa violence est plus rentrée, plus sourde, plus terrible de ce fait. Peu à peu, le spectateur, qui pouvait encore, dans le bureau de la juge, douter de sa culpabilité, voire s’apitoyer sur lui en le regardant, desemparé, faire face au silence têtu de son fils, comprend et partage la peur panique qu’il inspire à Miriam.

Le film est porté par le jeu des interprètes Léa Drucker, Denis Ménochet (il jouait le paysan LaPadite face à Christoph Waltz dans la fameuse première séquence de Inglourious Basterds) et le jeune Thomas Gioria, qui tous expriment, presque sans mots, des personnages bouleversants. Mais il y a aussi la mise en scène, sobre, rigoureuse, inhabituellement maîtrisée et réfléchie dans un premier long métrage. Legrand fait non seulement un film sans musique (à l’exception d’une chanson interprétée par la fille de Miriam) mais ose de longues plages sans dialogue, à l’image de ses personnages que leur colère (Antoine), leur peur (Miriam) ou leur impuissance à agir (Julien) rendent littéralement sans voix. Le silence, ou plutôt une bande son très soigneusement travaillée, installe une angoisse de tous les instants et la certitude d’une menace présente mais impossible à prouver devant la juge.

Chose difficile et rarement réussie à ce point, Xavier Legrand mélange à une approche quasi-documentaire, ancrée dans le réel, des éléments puisés dans des films fantastiques, et pas de moindres puisqu’il cite lui-même The Night of the Hunter (Charles Laughton, 1955) et The Shining (Stanley Kubrick, 1980). Au premier, il emprunte son atmosphère oppressante et le personnage principal du père qui, de protecteur, est devenu pour les enfants et leur mère un danger effrayant et omniprésent. En témoigne la magnifique séquence d’une fête d’anniversaire où seul le va-et-vient de plus en plus anxieux de Miriam et de sa fille parmi les invités nous fait deviner peu à peu la présence d’Antoine. Du film de Kubrick, Legrand reprend l’inquiétante relation père-fils et la terreur d’une séquence finale aussi implacable que cruelle.

Actuellement au ciné Utopia.

 

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