Le radiotechnicien Georg (Franz Rogowski) fuit à Marseille pour échapper aux fascistes qui le recherchent. Avant de quitter Paris, il récupère par hasard un manuscrit et un visa chez un écrivain suicidé. Sans l’avoir prémédité, il va finir par se faire passer pour celui-ci et décider de prendre sa place sur un bateau qui doit partir pour le Mexique. En attendant le départ, il se lie d’amitié avec un jeune garçon maghrébin et tombe amoureux de Marie (Paula Beer), la femme de l’écrivain, qui ignore que son mari est mort et le recherche dans toute la ville.

(c) Piffl Medien
Le cinéaste Christian Petzold aime les fantômes. Il n’a pas seulement donné ce titre à l’un de ses films (Gespenster, 2005) mais plusieurs d’entre eux mettent en scène des personnages qui se trouvent, d’une façon ou d’une autre, prisonniers d’un no man’s land hors du temps et du monde. C’est notamment le cas du couple d’anciens terroristes qui continuent de vivre terrés dans la clandestinité, condamnés à l’invisibilité dans une Allemagne qui veut oublier les années de plomb (Die innere Sicherheit, 2000). C’est également vrai pour Nelly, rescapée des camps nazis, que Petzold décrit en morte-vivante errant dans une ville en ruines à la recherche d’un époux qui ne la reconnaît pas (Phoenix, 2014).
Dans son nouveau film, le royaume des limbes s’appelle Marseille. Ville portuaire, donc ville de transit par excellence, mais qui en l’occurrence ressemble plus à un cul-de-sac où s’échouent aussi bien les immigrés d’aujourd’hui que les fugitifs d’hier. Petzold a fait un pari a priori risqué. Il a adapté un roman autobiographique de l’Allemande Anna Seghers, juive et communiste, qui est passée par Marseille en 1941 pour rejoindre le Mexique. Mais il a renoncé aux décors et costumes historiques. La situation est celle des années 40, mais les personnages se promènent en vêtements contemporains dans des décors qui sont ceux d’aujourd’hui. Le film ne se passe pas pour autant en 2018. On utilise de vieilles machines à écrire et l’informatique ne semble pas exister. Le temps de Transit n’est ni le passé ni le présent mais à la fois hier, aujourd’hui et demain. Parce que des gens qui cherchent à fuir, qui sont „en transit“ vers un monde meilleur qui ressemble à une chimère, il y en a toujours. Et cela fonctionne étonnamment bien, tout en conférant immédiatement au film un discret ton de parabole.

Paula Beer et Franz Rogowski (c) Piffl Medien
Si dans Phoenix, on retrouvait des échos de Vertigo (un homme demandant à une femme de prendre la place d’une autre qu’il croit morte), ici c’est le spectre de Casablanca qui s’infiltre entre les images, avec ses thématiques du destin, de l’amour impossible et du sacrifice qui sont autant d’éléments-clé du mélodrame. Un genre que Rainer Werner Fassbinder avait en son temps adapté à sa façon et que Petzold pousse encore plus loin en gardant les situations mais leur retirant, en même temps que la musique, toute exacerbation des sentiments. Dans le rôle de Marie, la femme qui cherche son mari mort, Paula Beer est elle-même filmée comme une apparition que Georg semble n’être jamais sûr d’avoir vue vraiment. Et la plupart des gens qu’il croise meurent ou disparaissent subitement tandis que lui reste là, à errer dans Marseille qui ressemble de plus à plus à l’enfer décrit dans le manuscrit trouvé chez l’écrivain. Le jeu retenu des acteurs et une mystérieuse voix off commentant les va-et-vient de Georg accroissent encore la distance du spectateur envers les événements, installant une étrange et lancinante mélancolie.
Als partizipative Debattenzeitschrift und Diskussionsplattform, treten wir für den freien Zugang zu unseren Veröffentlichungen ein, sind jedoch als Verein ohne Gewinnzweck (ASBL) auf Unterstützung angewiesen.
Sie können uns auf direktem Wege eine kleine Spende über folgenden Code zukommen lassen, für größere Unterstützung, schauen Sie doch gerne in der passenden Rubrik vorbei. Wir freuen uns über Ihre Spende!
