forum_C : „Les routes de l’esclavage“ de Daniel Cattier, Juan Gélas et Fanny Glissant ★★★★☆

La chaîne arte diffuse des documentaires historiques qui sont le plus souvent d’une grande qualité aussi bien culturelle qu’esthétique. Les routes de l’esclavage, série en quatre épisodes de 52 minutes, ne déroge pas à la règle et explique le rôle de l’esclavage des Africains noirs dans le développement du capitalisme, la construction du racisme et le colonialisme.

(c) Compagnie des Phares et Balises / arte France

Les réalisateurs Daniel Cattier, Juan Gélas et Fanny Glissant ont voulu présenter une histoire globale de l’esclavage et ont fait appel à des historiens et des scientifiques aussi bien en Europe qu’en Afrique et sur l’ensemble du continent américain. Et plutôt que d’aborder le sujet par le biais des droits humains, ils ont décidé de le considérer sous l’aspect économique et géopolitique. La violence de l’esclavage, inhérente au système, n’est nullement masquée mais la série ne fait pas appel à l’émotion. Elle analyse implacablement comment l’esclavage de millions d’Africains a contribué à façonner le monde dans lequel nous vivons tous aujourd’hui.

Alors que les quatre épisodes sont structurés de façon chronologique, les cinéastes soulignent constamment le lien existant entre le passé et notre présent en filmant des lieux symboliques et parfois des manifestations et des rituels dans les villes emblématiques de la traite esclavagiste. Les lectures de sources écrites sont illustrées par des scènes d’animation, assez abstraites, tout cela permettant d’éviter les grossières et souvent pénibles reconstitutions qui sont devenues la règle dans de trop nombreux documentaires historiques.

Le premier épisode démarre en 476 avec l’effondrement de l’Empire romain. Les Arabes construisent alors un nouvel empire dont l’épicentre se trouve au Caire. En quête d’esclaves pour construire leurs cités et cultiver leurs champs, ils vont traverser le Sahara pour trouver au Mali des peuples non musulmans puisque l’Islam interdit de réduire à l’esclavage des croyants. C’est ainsi que les populations subsahariennes deviennent la principale « matière première » d’un nouveau système esclavagiste.

(c) Compagnie des Phares et Balises / arte France

A la fin du Moyen Age, les Portugais inventent la caravelle, le navire qui va leur permettre de contourner les Arabes pour aller chercher fortune plus au sud de l’Afrique. Ils achètent des esclaves au royaume Kongo pour les faire travailler dans les plantations de cannes à sucre qu’ils installent dans l’île de Sao Tomé. Entre Lisbonne, le royaume Kongo et Sao Tomé, les Portugais établissent le premier commerce triangulaire et amassent d’énormes richesses.

La série démontre comment toutes les puissances occidentales se sont enrichies grâce à l’esclavage, à la source d’un système capitaliste qui permet ensuite d’en développer l’envergure. Le nouveau système triangulaire qui se met en place entre les pays européens, les côtés occidentales de l’Afrique et les Caraïbes ou le Brésil, puis également l’Amérique du Nord, n’aurait pas été possible sans les banques qui prêtent l’argent nécessaire et les compagnies qui assurent les bateaux et les « cargaisons ». Pour pouvoir réduire des millions de personnes au rang d’outils de production, il faut toutefois les déshumaniser. C’est ainsi que tous les captifs africains deviennent, en débarquant aux Amériques, « des Noirs » sans plus d’autre identité que celle de l’esclavage et de la soumission aux « Blancs ».

Un captif est amorti en quatre ans. Sa durée de vie, dans les plantations, n’excède que rarement dix ans et il s’avère plus rentable d’en importer toujours davantage. L’une des conséquences de ces déportations massives est la présence de très nombreuses personnes noires en Amérique mais également en Europe où on essaie généralement de gommer ou de minimiser leur existence.

(c) Compagnie des Phares et Balises / arte France

Dans ce système, la terreur et la torture à l’ordre du jour dans les plantations ne sont pas (seulement) l’expression d’instincts sadiques de la part des maîtres, mais l’instrument nécessaire pour empêcher les esclaves de se révolter. La série insiste sur le rôle que ces révoltes et la peur qu’elles suscitaient chez les Blancs ont au final joué dans l’abolition du système. Après une révolte à Saint-Domingue, et le récit horrifique de la traversée de l’Atlantique qui est rendu public à l’occasion d’un procès contre des assureurs, la Grande-Bretagne abolit la traite transatlantique en 1807 mais l’esclavage reste légal. Les esclaves livrent la matière première pour la révolution industrielle et comme la traite est désormais interdite, les femmes captives sont mises à contribution pour fabriquer de nouveaux esclaves.

Quand l’esclavage est enfin aboli, les puissances occidentales cherchent d’autres moyens de profiter de la main d’oeuvre africaine. Elles développent les colonies (et les travaux forcés) sur le continent africain tout en maintenant dans la misère et la ségrégation les descendants des esclaves en Amérique du Sud et du Nord. La déportation de quelque 25 millions d’habitants depuis le 5e siècle a par ailleurs eu des conséquences tragiques, encore peu documentées, pour la démographie et l’économie africaines.

Pédagogique et néanmoins passionnante, la série est disponible en vod gratuite sur arte jusqu’au 29 juin 2018.

 

 

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