(Viviane Thill) Présenté au Festival de Cannes, le film One Day de la cinéaste hongroise Zsofia Szilagyi documente la vie harassante d’une mère de trois jeunes enfants qui, jour après jour, entame une course contre la montre pour les amener à l’école, au ballet, au sport ou chez la voisine tout en travaillant à mi-temps avant de faire les courses et de passer la nuit à soigner leur grippe tandis que son mari trouve le temps de la tromper. Nos batailles de Guillaume Senez (également vu à Cannes) renverse la situation : dans ce film, la mère, à bout de force, a jeté l’éponge et s’en est allée sans laisser d’adresse, poussant ainsi de façon plutôt abrupte son mari à endosser ses responsabilités.
Il est heureusement plus réactif que Drew (Ron Livingston) qui, lorsque sa femme part faire la fête une nuit, s’étonne qu’elle ait laissé les enfants seuls – alors qu’il était à la maison ! Dans Tully, Drew est le mari peu impliqué de Marlo (Charlize Theron) qui se démène avec deux enfants dont un fils de cinq ans jugé « excentrique » dans son école privée. Lorsque le film commence, on la voit le caresser longuement avec une brosse pour bébé censée réduire ses troubles du comportement. Le moment semble idyllique mais la suite révèlera qu’il n’est qu’un pis-aller (Marlo n’a pas d’argent pour payer un thérapeute) et une corvée journalière pour Marlo très enceinte d’un troisième bébé qui n’avait pas été planifié. Elle a l’impression de ressembler à une baleine et rêve chaque nuit de sirènes.

Les choses ne s’améliorent pas vraiment une fois que la petite Mia est née. On a rarement vu une scène d’accouchement filmée de façon aussi peu émotionnelle. Marlo voit le bébé avant tout comme un pensum de plus. Ses nuits deviennent une longue suite sans fin de hurlements, d’allaitement, de tirage de lait et de changement de couches. Epuisée, elle négligée son ménage, hurle sur ses gosses, engueule la directrice de l’école qui ne veut plus de son fils, fait tomber son portable sur le bébé (!), voit le lait s’écouler de ses seins aux moments les plus inopportuns et rejoint le soir venu au lit un mari plus concentré sur ses jeux vidéo que sur sa femme dont les bourrelets et le ventre ridé effraient même ses enfants.
Les trois films cités, très différents mais produits plus ou moins au même moment, ont comme point commun de montrer l’envers de l’image idéalisée de la maternité. Certes, alors que le film hongrois opte pour un réalisme dépouillé, son pendant américain choisit de jouer la carte de la comédie aigre-douce mais Tully n’en questionne pas moins l’obligation du bonheur et de la perfection qui va de pair, aujourd’hui plus que jamais depuis qu’on vit en permanence sous le regard de facebook, avec l’idée d’avoir et d’élever des enfants. Si en plus, on a un mari certes affable mais plutôt du genre avachi, est-ce qu’être épouse et mère est vraiment l’apothéose d’une vie de femme ?

Celle qui pose la question, c’est la scénariste Diablo Cody (elle-même mère de trois enfants). Tully est son troisième scénario réalisé par Jason Reitman après Juno (2007) et Young Adult (2011). Dans ce dernier, l’héroïne Mavis, déjà interprétée par Charlize Theron, revenait dans sa ville natale après un divorce pour tenter de récupérer son premier amour et ses rêves de jeunesse. Marlo se demande elle aussi si elle a fait les bons choix, et dans un moment de déprime, tente de retrouver un ancien amour (une femme, soit dit en passant) sur les lieux de sa jeunesse. A l’approche de la quarantaine, elle constate qu’elle a abandonné ses ambitions professionnelles pour une vie monotone et répétitive d’employée de bureau et mère de famille. Quand, à bout de force, elle accepte d’engager une « nounou de nuit » (Mackenzie Davis), elle ne récupère pas seulement physiquement mais elle se trouve aussi confrontée à une version jeune d’elle-même qui lui permet de poser toutes ces questions et finalement d’y trouver peut-être un semblant de réponse. Mais ce film décidément atypique, coproduit par la société de production de Charlize Theron, évite aussi bien le happy-end béat que la grande remise en question de l’héroïne.
On aurait aimé en venir un peu plus rapidement au sujet principal et on regrette certaines incohérences ou lacunes du scénario concernant notamment les enfants de Marlo. Loin d’être « difficile », son fils apparaît ainsi la plupart du temps comme un véritable enfant modèle tandis que sa fille est réduite à un rôle de quasi-figuration. Un peu plus d’inventivité dans certaines situations n’aurait pas non plus nui mais malgré ses faiblesses, le film se démarque par une franchise libératrice et des dialogues parfois joyeusement vachards.
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