forum_C : „The Breadwinner“ de Nora Twomey ★★★★☆

Le dessin animé The Breadwinner, coproduit au Luxembourg par Mélusine Productions, a reçu samedi soir le Prix du meilleur long métrage animé en coproduction et celui de la meilleure contribution créative dans un long métrage d’animation. Le film vient de sortir au Luxembourg et il faut le voir!

(A cette occasion, nous republions un article déjà posté au début de l’année lors de l’avant-première du film au Luxembourg City Film Festival)

(Viviane Thill) Le premier plan – un petit enfant qui tourne sur lui-même, dans une position fœtale, au milieu d’un cercle – fait immédiatement penser à l’image sur laquelle se terminait 2001, A Space Odyssey (Stanley Kubrick, 1968). C’est que, même si ce n’est jamais dit explicitement dans le film, The Breadwinner est situé en cette année emblématique où Kubrick pensait nous emmener aux confins de l’espace et du temps, et qui se révéla être au final l’année du retour à l’âge de pierre, celle des attentats du World Trade Center et de la guerre en Afghanistan. The Breadwinner est tout cela à la fois, le rêve et le cauchemar. Il raconte l’histoire d’un temps où les montagnes de l’Hindou Kouch hébergeaient de petits garçons courageux qui vainquaient des monstres avec l’aide de vieilles femmes un peu sorcières. Et celle d’un pays que dorénavant on appelle l’Afghanistan, où les femmes n’ont plus le droit de sortir de leur maison. Plus de droit d’aller chercher de l’eau au puits, plus le droit d’acheter du pain au marché ni même celui de se promener dans la rue sans être accompagnée – cachée derrière un grillage qui ressemble à une prison ambulante – d’un mari, d’un père ou d’un fils.

(c) Mélusine Productions

Les rues de Kaboul sont vides de femmes et si leur fils ou leur frère meurt à la guerre ou explosé sur une bombe, si leur mari ou leur père est jeté est prison, ces femmes sont condamnées à mourir de faim et de soif dans leur maison. C’est ce qui arrive à Parwana dont le père, vétéran mutilé de la résistance contre l’invasion soviétique mais surtout poète et passeur d’histoires, est arrêté un soir parce qu’il a osé tenir tête à un jeune homme trop dévot et qu’il apprend à lire et à écrire à ses deux filles. Alors, pour nourrir sa mère, sa sœur et son petit frère, Parwana se coupe les cheveux, enfile les habits de son frère Soliman décédé, et découvre, pour la première fois de sa vie, la liberté dans les rues de Kaboul.

(c) Mélusine Productions

On a déjà vu des films sur le même sujet, notamment Osama (Siddiq Barmak, 2003) qui racontait lui aussi l’histoire d’une petite fille se déguisant en garçon pour survivre sous le régime des Taliban. Le dessin animé The Breadwinner est à la fois plus doux et plus cruel. Plus doux parce qu’il a recours aux codes du conte de fée quand la réalité devient trop dure, plus cruel parce que le dessin permet d’évoquer une violence qui serait insupportable en images réelles.

Le film s’adresse aux adultes aussi bien qu’aux (grands) enfants et subjugue par sa délicatesse, sa poésie, la beauté des décors, la ténacité de ses deux jeunes héroïnes et la manière dont il raconte sans rien enjoliver leur combat obstiné pour une vie digne et libre. Le film ne condamne personne, même le jeune Taliban radical n’est en vérité qu’un adolescent malheureux, assoiffé de reconnaissance et d’affection mais ses actions brisent la vie de ceux qu’il croise sur son chemin. Tout cela, et la douleur de la mère, et la tristesse du vieux Taliban illettré qui pleure en apprenant la mort de sa femme, et la guerre qui vient détruire une fois de plus le pays, est dit dans des images simples et graves.

Ce beau film, nommé pour l’Oscar du meilleur long métrage d’animation, a été réalisé par Nora Twomey d’après un roman de la Canadienne Deborah Ellis. Il a été coproduit par Angelina Jolie et au Luxembourg par Stephan Roelants (Mélusine Productions) qui travaille depuis de nombreuses années pour  imposer, contre le monopole de Disney et consorts, un cinéma d’animation européen de qualité (il avait notamment déjà coproduit avec les mêmes partenaires le merveilleux Song of the Sea) qui prend ses spectateurs – petits et grands – au sérieux en leur racontant des histoires qui parlent de leur vie et de notre monde.

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