„Woman at War“ de Benedikt Erlingsson ★★★★☆

(Viviane Thill) Une femme armée d’un arc…

(c) Slot Machine

… va probablement aujourd’hui faire penser davantage à Katniss Everdeen dans Hunger Games qu’à la déesse Artémis ou aux Amazones. Mais peu importe, puisque le message est d’emblée compréhensible pour tous : cette femme est une guerrière.

Avec son seul arc et quelques flèches, Halla – c’est son nom – met à terre des lignes à haute tension qui alimentent en électricité les usines d’aluminium installées en Islande, très voraces en énergie et accusées de détruire les paysages naturels de l’île.

Le cinéaste islandais Benedikt Erlingsson (Of Horses and Men, 2013) a réalisé le premier film d’action féministico-écologique. Et c’est une réussite ! Jouant de moult références mythologiques et cinématographiques, il met une scène son héroïne comme une justicière solitaire qui doit rappeller aux Islandais une autre Halla. Hors-la-loi légendaire dans le pays, cette dernière s’était réfugiée au 18e siècle avec son mari dans ces montagnes sauvages qu’arpente maintenant la Halla moderne. Pour les non initiés, Halla évoquera plutôt les superhéroïnes américaines. Comme celles-ci, elle a un surnom – Mountain Woman – et une deuxième identité, celle d’une sympathique et inoffensive professeure de chant.

Intimement associée à la nature (elle plonge dans l’eau froide pour fuir ses poursuivants puis renaît dans celle, régénératrice, d’une source chaude, se cache sous la peau d’un bouc mort et parmi des moutons vivants, fait corps avec la terre pour ne pas être vue par le pilote d’un hélicoptère), Halla se bat contre un ennemi déshumanisé: des multinationales qui prennent à la télévision le visage respectable de chargés de la communication et sur le terrain celui beaucoup plus angoissant de militaires masqués, surarmés et suréquipés.

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Interprétée par Halldóra Geirharðsdóttir, comédienne entre autre connue dans son pays pour avoir joué de nombreux rôles masculins – dont celui de Don Quichotte auquel on pense irrésistiblement quand Halla s’attaque aux pylônes éléctriques – elle a l’allure d’une femme mûre, sûre d’elle, combattive, drôle et touchante. Un portrait de femme comme on en voit très peu au cinéma. Et ce d’autant moins que cette héroïne inattendue n’a aucun homme dans sa vie et n’en cherche pas. Elle n’est pas définie par ses attraits sexuels mais ne manque ni de charme ni de charisme pour autant. Son sexe et son âge confèrent par ailleurs un avantage à Halla: les forces de l’ordre ne la soupçonnent pas mais arrêtent plusieurs fois à sa place un brave touriste sud-américain qui a le malheur d’avoir, aux yeux des policiers, la gueule de l’emploi et de toujours se trouver au mauvais endroit au mauvais moment.

Alors que le film est déjà bien entamé, on apprend que Halla veut adopter une orpheline de guerre en Ukraine. Est-ce que cela va l’amener à abandonner son combat solitaire  ou au contraire la pousser à se battre encore davantage pour assurer un avenir à cette petite fille dont le regard farouche révèle la même détermination que celle de Halla? Le film évite résolument le piège du sentimentalisme qu’on voit alors poindre et rappelle au passage que ce sont les pays fragilisés qui souffriront les premiers du changement climatique.

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Halla est suivie partout par des musiciens et des chanteuses, invisibles à ses yeux mais pas aux nôtres, qui interprètent en direct à l’image la musique du film et commentent ainsi l’action à la manière d’un coeur grec. L’effet est d’inclure le public dans l’univers du film, le faisant basculer de la position (confortable) de spectateur passif à celui de participant pris à parti. Car Woman At War soulève aussi des questions dérangeantes, notamment sur la violence que vont provoquer, d’un côté et de l’autre, les crises écologiques. Le mot „guerre“ ne figure pas par hasard dans le titre.

Woman at War est actuellement à l’affiche au ciné Utopia.

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