forum_C : „Funan“ de Denis Do

★★★★☆

(Viviane Thill) D’origine cambodgienne mais né à Paris en 1985, Denis Do s’est inspiré de l’histoire de sa mère pour réaliser Funan, un film qui veut nous faire connaître de l’intérieur l’enfer subi par les Cambodgiens sous le régime des khmers rouges. Ce n’est pas un film de guerre à l’américaine comme Killing Fields (Roland Joffé, 1984) dont le héros était un journaliste venu des Etats-Unis, ni un travail de mémoire comme le construit film après film le cinéaste cambodgien Rithy Panh (S21, la machine de mort Khmer rouge, 2002 ; L’image manquante, 2013, nommé à l’Oscar du meilleur film étranger). Do avait plus modestement le désir de mettre des images sur ce qui lui a raconté sa mère de sa vie dans les camps khmers entre 1975 et 1979. Il l’a longuement interrogée et s’est ensuite rendu au Cambodge avec sa coscénariste Magali Pouzol pour y rencontrer d’autres survivants.

(c) Bac Films

Funan est donc d’abord l’histoire d’une famille, une famille comme les autres quand commence le film, qui va se retrouver réduite en esclavage et torturée par « les hommes en noir » du régime khmer qui veulent construire par la force et la terreur une société nouvelle d’où seront éradiquées les classes sociales et la notion même de famille. Le point de vue est essentiellement celui de Chou (à qui Bérénice Béjo prête sa voix) qui vit à Phnom Penh avec sa famille élargie, son fils Sovanh et son mari Khuon (Louis Garrel). Quand les khmers rouges prennent la ville en 1975, les citadins sont déplacés de force dans des camps, dépossédés de tous leurs biens et souvent séparés. Le petit Sovanh est emporté par les khmers dans un endroit inconnu et Chou va tout faire pour survivre dans l’espoir de le retrouver.

(c) Bac Films

Bien qu’inspiré de faits réels, Funan n’est pas un documentaire. Des personnages ayant existé ont été fusionnés dans des charactères fictifs, des anecdotes arrivées à d’autres personnes ont été intégrées dans l’histoire de Chou et le récit suit une trame narrative cohérente (ce qui est rarement le cas de la réalité). C’est par ailleurs un film d’animation. Parce que Denis Do travaille dans le cinéma d’animation, c’est le genre qu’il a tout naturellement choisi pour son premier long métrage. Mais attention: même s’il peut être vu par les jeunes adolescents, Funan n’est pas pour autant un film pour enfants! Malheureusement, le public adulte rechigne toujours à considérer les dessins animés comme de « vrais films » alors que par son style, son histoire et sa narration, Funan peut et devrait intéresser de nombreux spectateurs.

L’originalité et la réussite du film tiennent dans la finesse de l’animation qui, bien que moins sophistiquée que ce que l’on a l’habitude de voir dans les animations hollywoodiennes, se démarque par une esthétique épurée et un beau travail sur les couleurs, la physionomie des personnages et les paysages (l’auteur graphique et directeur artistique du film est Michael Crouzat). Les plans larges sur les somptueux paysages servent, selon le réalisateur, à dissocier la Nature de la cruauté des humains, mais ils font surtout ressentir très physiquement le fait que le Cambodge était devenu un gigantesque camp de concentration à ciel ouvert dont aucune échappatoire n’était possible.

(c) Bac Films

Le classicisme familier du dessin permet à la fois d’adoucir la cruauté des situations tout en rendant d’autant plus choquante la violence quand elle surgit, presque toujours hors champ mais souvent contre des personnages auxquels on s’était attaché. En revanche, les très gros plans sur certains personnages (peut-être dus à des contraintes budgétaires) ont quelquefois tendance à interrompre le récit. Mais en majeure partie, Denis Do opte pour la sobriété, évitant autant les grands moments mélodramatiques que le suspens facile auxquels se prêtait pourtant son récit. Certaines situations n’en deviennent que plus déchirantes. Il évite aussi tout manichéisme dans la description de la famille au centre du film et dans celle de leurs bourreaux.

Coproduit au Luxembourg par David Grumbach (dont la mère est également Cambodgienne), Funan a de façon méritée remporté l’année dernière le très prestigieux Cristal d’Or du meilleur long métrage au festival du film d’animation à Annecy.

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