Cannes, Jour 1 : Ça commence mal…

(Viviane Thill) Il l’a bien cherché, Jarmusch. En faisant un running gag d’un personnage principal qui ne cesse de répéter que « ça va mal se terminer », il tend la perche aux critiques : on ne sait comment cela va se terminer mais ça commence plutôt mal.

Bill Murray, Chloë Sevigny et Adam Driver – Credit : Abbot Genser / Focus Features © 2019 Image Eleven Productions, Inc.

Je parle du 72e Festival de Cannes qui s’est ouvert ce mardi soir avec The Dead Don’t Die de Jim Jarmusch. Jarmusch, qui fut jadis l’enfant prodige du festival, est devenu aujourd’hui l’un des plus fiables pourvoyeurs de stars pour tapis rouge. Chloë Sevigny, Adam Driver, Bill Murray, Tilda Swinton et Selena Gomez étaient tous au rendez-vous. A tel point qu’on avait laissé à la maison les rôles secondaires (!) incarnés par Iggy Pop, Tom Waits, Danny Glover, Steve Bushemi ou Rosie Perez ! Cette présence glamour sur les marches explique certes la présence du film à l’ouverture mais fallait-il vraiment le mettre en compétition ?

Commençons par le commencement : Bill Murray et Adam Driver jouent deux policiers plutôt placides dans un bourg perdu quelque part en Amérique. Tandis qu’ils patrouillent, Chloë Sevigny assure la permanence au bureau. Leur train-train quotidien déraille en même temps que la Terre de son axe après des essais de fracturation hydraulique au Pôle. Brusquement, les jours n’en finissent plus ou bien c’est la nuit qui s’éternise. Il y a aussi une curieuse croque-mort (existe-il un féminin pour ce mot ?) qui n’est Ecossaise qu’en apparence et rappelle beaucoup Uma Thurman dans Kill Bill mais est jouée par Tilda Swinton. Et puis, sans que le rapport ne soit très clair, les morts sortent de leur tombe et viennent manger les vivants. C’est la zombie apocalypse dans laquelle les zombies représentent pêle-mêle tous les maux du monde actuel : crimes environnementaux, racisme et sectarisme, surconsommation, addiction aux portables, etc.

Iggy Pop, égal à lui-même – Credit : Frederick Elmes / Focus Features © 2019 Image Eleven Productions, Inc.

Très cool, le film ne cesse d’aligner les références : à tous les films de zombies bien sûr (que les personnages connaissent par cœur) et à quelques œuvres de Jarmusch lui-même. Quand on y parle de Psycho, c’est parce que le film de Hitchcock a été écrit par Robert Bloch qui fut aussi l’auteur d’une nouvelle intitulée… The Dead Don’t Die. Les personnages écoutent la musique du film et ont lu le scénario. Pas jusqu’au bout, il est vrai, mais ils savent à peu près comment cela va finir. Le problème, c’est que le spectateur le sait aussi. D’autant plus qu’on a vu tout cela déjà de nombreuses fois. Les parodies de films de zombies sont pratiquement un sous-genre en soi. Et parce que tout le monde fait ici assez pareusseusement exactement ce qu’on attend de lui, le spectateur s’ennuie vite. Pompé sur la fin déjantée de Fargo – Season 2, le seul événement un tant soi peu inattendu tombe complètement à plat.

Tilda Swinton manie le sabre – Credit : Frederick Elmes / Focus Features © 2019 Image Eleven Productions, Inc.

Le désespoir élégant qui imprègne les meilleurs films de Jarmusch, y compris l’avant-dernier Only Lovers Left Alive – une digression plus personnelle sur le thème des vampires – tourne ici à l’autocitation un brin complaisante qui réduit en fin de compte de vraies questions de société à une sorte de happening désabusé sans être vraiment distrayant pour autant ni renouveler le genre.          

 

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