forum_C : Le mot ‚critique de cinéma‘ se décline majoritairement au masculin

(Viviane Thill) Selon une étude du Center for the Study of Women in Television and Film, seuls 34% des critiques de cinéma recensés aux Etats-Unis (tous médias confondus) sont des femmes. De ce côté-ci de l’Atlantique, la situation n’est guère  meilleure. En France, le Collectif 50/50 a comptabilisé 611 journalistes ayant rédigé au moins une critique entre mai 2018 et avril 2019 : 37% sont des femmes. A l’inverse, 31% de l’ensemble des critiques prises en comptes par cette étude ont été rédigées par des femmes et 58% par des hommes (les autres ne sont pas signées).

D’un côté comme de l’autre de l’Atlantique, les femmes s’expriment moins sur les films d’action et d’aventures, les thrillers et les documentaires, se cantonnant davantage dans les comédies, les drames et les films romantiques.

Ces inégalités ne concernent pas que les femmes. Aussi bien aux Etats-Unis qu’en France, il y a peu de critiques de couleur. Il suffit d’ailleurs de jeter un coup d’œil autour de soi dans les queues devant les salles à Cannes. Il n’y a pratiquement pas de Noirs. En 2018, 82% des critiques de cinéma américains étaient blancs. Les Américains blancs ont écrit 67,3% des critiques contre 2,5% d’articles rédigés par les femmes de couleur aux Etats-Unis.

The Piano, l’un des films de Jane Campion cités par les critiques de la revue Positif    (c) Jan Chapman Productions / Ciby 2000

Le déséquilibre devient, comme toujours, encore plus évident quand on s’aventure dans les hautes sphères de la critique. Les deux revues de cinéma les plus réputées en France, Positif et les Cahiers du Cinéma, revendiquent respectivement 3 femmes sur 22 membres (13%) et une femme sur 11 membres (9%) dans leur comité de rédaction. Pour fêter son numéro 700, Positif a demandé aux membres actuels et anciens de son comité de rédaction ainsi qu’à ses correspondants étrangers de choisir leurs dix films préférés. Ils sont 60 à ainsi présenter les oeuvres qui « ont laissé une trace indélébile dans leur cœur ou leur mémoire ». 60… dont six femmes ! Parmi les critiques qui ont l’honneur de distribuer chaque jour dans le magazine professionnel Le film français des étoiles aux longs métrage en sélection officielle à Cannes, on compte deux femmes sur 15 journalistes (13%). Dans l’équivalent international paraissant quotidiennement durant le festival dans la revue Screen, une seule femme figure aux côtés de 10 collègues masculins (9%).

L’expérience de vie partagée avec un ou une cinéaste intervient dans la perception forcément subjective de l’intérêt d’une œuvre… et cette expérience diffère bien souvent selon le genre de la personne qui regarde le film. Il n’est pas normal et il n’est pas sain que les films soient aujourd’hui encore jugés en très large majorité par des hommes blancs. Le cinéma s’en trouverait enrichi si le regard posé sur lui pouvait devenir un peu plus diversifié.

Pour la petite histoire, sur les 600 films choisis par les 60 critiques de Positif, 2,3% ont été tournés par des femmes. Jane Campion est citée quatre fois, Barbara Loden et Agnès Varda deux fois. Les autres réalisatrices nommées sont Agnès Jaoui, Helma Sanders-Brahms, Marguerite Duras, Sofia Coppola, Pascale Ferran et Nelly Kaplan.

A voir cette semaine :


Zero Impunity (c) A_Bahn

Juste un mot pour rappeler que le film d’animation Zero Impunity, coproduit au Luxembourg par A_Bahn, passe actuellement au ciné Utopia. Réalisé par Nicolas Blies, Stéphane Hueber-Blies et Denis Lambert, le film se base sur des enquêtes de journalistes d’investigation pour dénoncer l’utilisation systématique du viol et des agressions sexuelles en tant qu’arme de guerre. Le film révèle aussi le manque de réactivité de l’ONU ou d’un pays comme la France lorsque ses propres soldats sont mis en accusation. L’utilisation de l’animation permet de donner un visage à des témoins qui préfèrent souvent rester anonymes et de rendre tangibles des sévices qu’il serait impossible même de suggérer en prises de vue réelles, ce qui contribue à la fois à humaniser et à concrétiser le discours.

 

ZERO IMPUNITY (trailer) from a_BAHN on Vimeo.

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