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forum_C : (Re)découvrir „La fiancée du pirate“ de Nelly Kaplan
(Viviane Thill) Disponible gratuitement sur arte.tv jusqu’au 30 septembre, La fiancée du pirate a en France un statut de film-culte. Il raconte l’histoire de Marie (Bernadette Laffont) abusée par tous les hommes – et par une lesbienne – dans le village où elle et sa mère ont jadis trouvé refuge. On les y traite de bohémiennes et de sorcières et on les fait travailler pour des prunes tout en exigeant qu’elles soient pour cela reconnaissantes. Lorsque la mère est renversée et tuée par un chauffard, la fille se rebiffe. Elle se met à demander de l’argent pour ses services sexuels et s’enrichit alors à vue d’œil, faisant chanter les quelques notables du village et enregistrant en douce les propos qu’ils tiennent sur leurs épouses et leurs voisins.
(c) Lobster Films
Présenté à Venise en 1969, le film a failli être complètement interdit sous Pompidou. La réalisatrice Nelly Kaplan raconte que les censeurs exigeaient pour le laisser passer que l’héroïne soit tuée à la fin, comme son presque homonyme Maria, jouée par Ava Gardner, à la fin de The Barefoot Contessa (Joseph L. Mankiewicz, 1954) que les villageois découvrent ici, quelque peu émoustillés d’avance, lors d’une projection dans l’épicerie-bar du coin. Mais Kaplan a tenu bon, Marie survit (et s’en va pieds nus sur les routes à la fin) et La fiancée du pirate a finalement été « seulement » interdit aux moins de 18 ans. Parce qu’on y voit les seins et le derrière de Bernadette Laffont ? Peut-être. Parce que l’héroïne fait de la prostitution une arme qu’elle retourne contre la bigoterie et la bêtise des villageois ? Sans doute. Plus certainement parce que la cinéaste y fustige l’hypocrisie, la médiocrité, l’abrutissement et la bassesse d’une société présentée comme représentative d’une partie de la France.
L’interdiction a été ramenée à 13 ans dès 1977 mais encore aujourd’hui, arte fait précéder le film d’un avertissement expliquant que « ce film comprend des scènes déconseillées au public jeune ou sensible ». Il faut préciser que ce film est une farce ! Parfois grotesque, parfois un peu lourde, mais résolument non-réaliste. Personnellement, je me souviens l’avoir découvert à la télévision, sans doute à la fin des années 1970, et j’en avais gardé le souvenir d’une charge violemment et joyeusement féministe, le portrait d’une femme qui se venge des hommes après les avoir menés par le bout du nez. A le revoir, ce n’est pas tout à fait cela. Bien que le film milite discrètement pour la contraception (qui venait tout juste d’être légalisée en France fin 1967 !), il a divisé les féministes de l’époque (et les divisera probablement encore aujourd’hui) notamment parce qu’il dénonce autant les bigotes que leurs maris ! La charge est bien davantage tournée contre la société de classes et contre la société de consommation, autre grand sujet de discussion dans les années 1960. Le titre est d’ailleurs inspiré de L’Opéra de Quat’Sous de Brecht et du personnage de Jenny, la « fiancée du pirate ».
(c) Lobster Films
Dès qu’elle a un peu d’argent, Marie accumule ainsi des produits dont elle n’a que faire sinon qu’ils sont joliment colorés, puis les détourne pour en faire de curieuses œuvres d’art et les brûle à la fin. « La Fiancée du Pirate, c’est l’histoire d’une sorcière des temps modernes qui brûle les inquisiteurs. » a aussi dit Nelly Kaplan.
Née en Argentine en 1931, venue en France alors qu’elle avait une vingtaine d’années, proche des surréalistes, assistante du réalisateur Abel Gance, auteure d’un documentaire sur Picasso (Le regard Picasso) ayant reçu un Lion d’Or à Venise en 1967, Nelly Kaplan a tourné quelques films après La fiancée du pirate mais n’a plus jamais connu le même succès au cinéma. Cinquante ans après, à le revoir, La fiancée du pirate a un peu vieilli stylistiquement parlant, mais pas tant que cela dans le propos. Loin de faire l’unanimité, il garde un vrai pouvoir de provocation et c’est ce qui continue de faire sa force et son intérêt!
Disponible sur arte.tv jusqu’au 30 septembre.
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