forum_C : „Within Our Gates“ d’Oscar Micheaux

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(Viviane Thill) Oscar Micheaux fut le premier cinéaste afro-américain mais son nom a longtemps été banni des histoires du cinéma américain et beaucoup de ses films sont aujourd’hui considérés comme perdus.

Oscar Micheaux  (Domaine public)

Sur le site de la Library of Congress qui l’a restauré, on peut voir son film le plus ancien encore existant, Within Our Gates, sorti en 1920. Or, non seulement ce film permet de redécouvrir un des pionniers du cinéma mais c’est une vraie révélation ! Il démontre qu’Oscar Micheaux était un réalisateur (et son propre producteur !) à l’instar des plus grands de son temps. A l’époque où les Afro-Américains étaient réduits, dans les films des cinéastes blancs, à des caricatures – simplets dansant et gigotant ou violeurs de femmes blanches – il met en scène une bourgeoisie noire cultivée, et de façon plus générale la population américaine (blanche et noire) dans toutes ses mille et une nuances. Non content de militer dans ce film pour l’éducation et le vote des Afro-Américains, il thématise l’image que les Blancs donnent des Noirs et la façon dont les Noirs se conforment à cette image dans l’espoir illusoire d’en tirer quelque bénéfice. Plus étonnant encore, il choisit comme personnage principal une femme forte, intelligente et courageuse, interprétée par l’excellente Evelyn Preer – première star noire de l’écran.

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Evelyn Preer

Le film commence comme une intrigue amoureuse conventionnelle mais lorsque son fiancé surprend Sylvia en train de parler à un autre homme, il la soupçonne aussitôt de le tromper et la quitte sur le champ. Loin de se morfondre dans le souvenir de cet homme bien peu confiant, Sylvia devient enseignante dans une école du sud des Etats-Unis et se démène pour trouver de l’argent afin de pouvoir éduquer les enfants des ouvriers afro-américains. Elle ne minaude pas, n’utilise pas la séduction, n’a pas pour seul horizon le mariage alors que tous les hommes qu’elle rencontre semblent prêts à l’épouser. Et elle cache un lourd secret qui ne sera révélé qu’à la fin.

Le lynchage

Oscar Micheaux, dont les parents étaient nés esclaves, met notamment en scène dans Within Our Gates le lynchage d’un couple afro-américain (pour un meurtre exécuté en réalité par un ouvrier blanc) et une tentative de viol d’une femme noire par un riche homme blanc, de façon étonnamment crue et brutale  (même aux yeux d’un spectateur d’aujourd’hui). La différence entre le nord et le sud des Etats-Unis ainsi que le métissage font également partie des sujets explicitement – pour le premier – ou plus implicitement – pour le deuxième – traités.

La tentative de viol

Pour ces raisons, le film a souvent été considéré comme la réponse afro-américaine au célèbre Birth of a Nation (1915) dans lequel David W. Griffith glorifiait le Ku Klux Klan, censé défendre les Blancs contre la violence et les agressions sexuelles dont se rendraient coupables les Afro-Américains. Mais loin de se complaire, en réaction, dans un face à face simpliste entre bons Noirs et méchants Blancs, Micheaux imagine au contraire des personnages sophistiqués et complexes, pris pour certains dans leurs propres contradictions. La mise en scène est à l’avenant, jouant notamment des montages parallèles, des retours en arrière, des scènes de cauchemar ou de représentation mentale.

Représentation du ‚house negro‘ (E.G. Tatum)

S’il n’est donc pas surprenant que le film a été en maints endroits victime de la censure blanche, la communauté afro-américaine n’a pas toujours été très enthousiaste pour autant. La présentation d’un pasteur afro-américain obligé de se laisser humilier pour grapiller quelques sous de ses ‘bienfaiteurs’ blancs ou le pathétique ‘house negro’ délateur, à la botte de son cruel maître, n’étaient pas forcément des images dans lesquelles la bourgeoise afro-américaine naissante avait envie de se reconnaître. 

Le titre Within Our Gates est repris d’une épigraphe citée par… David W. Griffith dans son film The Romance of Happy Valley (1919) : « Harm not the stranger Within your gates, Lest you yourself be hurt ».

 

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