forum_C : „Tout simplement noir“ de Jean-Pascal Zidi et John Wax

★★★★☆

(Viviane Thill) « Noir c’est noir » chantait Johnny. Jean-Pascal Zadi, dit JP, va constater que les choses ne sont pas tout à fait aussi simples.

JP est en colère : la situation des Noirs en France est catastrophique, explique-t-il face à la caméra qui va le suivre d’un bout à l’autre du film. Pour y remédier, il décide d’organiser une grande « marche des Noirs » et pour cela fait appel à toutes les célébrités de la « communauté ». Mais quelles célébrités, quelle communauté et quels Noirs ? La première vedette à laquelle il s’adresse est l’humoriste Claudia Tagbo. Elle est enthousiaste, promet de mobiliser ses réseaux. Et puis JP lui parle, en passant, de ses « fesses africaines ». La dame s’énerve, lui tape dessus. Exit Claudia et avec elle toutes les femmes. La marche sera exclusivement masculine.


C’est quoi un Noir ? Vikash Dhorasoo, JoeyStarr et JP Zadi (c) Gaumont – C8 Films

JP reprend donc sa recherche de célébrités et tombe sur Fary, humoriste lui aussi, d’origine cap-verdienne, qui décide de l’aider et l’emmène dans une fête organisée par JoeyStarr. Alors, c’est quoi un Noir ? C’est quelqu’un qui a la peau couleur d’ébène et les cheveux frisés, explique JP. JoeyStarr n’est pas franchement noir ébène. Le footballeur Vikash Dhorasoo, d’origine indienne, est un peu plus foncé mais s’est lissé les cheveux. La mère d’Eric Judor est autrichienne et ses gènes ont largement pris le dessus sur ceux de son père guadeloupéen. La journaliste Karen Guiock explique d’abord gentiment, puis de façon un peu plus énervée, que son identité ne se résume pas à la couleur de sa peau. Quant à JP lui-même, qui n’est pas à un paradoxe près, il a le crâne rasé et une femme blanche.

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JP Zadi en famille (c) Gaumont – C8 Films

Le projet de JP commence à faire des vagues. Les « sisters » veulent en être, mais aussi les Arabes (représentés par Ramzy Bedia) et les Juifs. Entre deux rencontres, JP, qui est par ailleurs acteur, se rend à des castings où il se voit proposer le rôle d’un dealer violeur converti à l’islam, puis est rejeté par Mathieu Kassovitz en personne qui recherche pour son prochain film « un Africain d’Afrique » et pas un gars de Montreuil qui se comporte comme un Blanc. Toutes ces personnalités jouent dans ce faux documentaire sous leur propre nom, avec une belle dose d’auto-ironie qui n’exlut pas une vraie prise de risque. Dans sa séquence assez hallucinante, Kassovitz incarne ainsi l’un de ces Blancs amoureux de l’Afrique qu’ils portent « là » (il se frappe le torse à l’endroit du cœur) mais n’hésite pas à mesurer les narines de JP pour vérifier s’il peut faire un esclave crédible!

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Fary et JP (c) Gaumont – C8 Films

Cet humour constamment sur le fil du rasoir et l’ambiguïté qui sous-tend toutes les scènes apportent un commentaire à la fois très drôle et hautement désarçonnant sur la discussion actuelle à propos du « communautarisme » et ce qu’on appelle le « nouvel antiracisme », accusé de favoriser une approche identitaire. Zadi déjoue ce communautarisme en enfilant des scénettes dans lesquelles son personnage JP en arrive immanquablement, avec la meilleure volonté du monde, à monter les uns contre les autres, ou contre lui-même, ses interlocuteurs. C’est mis en scène sans cynisme et sans moralisme, et cela appelle une vraie réflexion de la part du spectateur. La scène de l’arrestation arbitraire et très musclée de JP, filmée de loin par la caméra des faux documentaristes qui l’accompagnent, est d’autant plus forte qu’elle surgit sans crier gare, et rappelle douloureusement les meurtres de George Floyd ou Adama Traoré.

Bien qu’auteur de trois films autoproduits (Cramé en 2008, African Gangster en 2010 et Sans pudeur ni morale en 2011) et chroniqueur sur la radio Mouv’ (voir l’intéressante interview de JP Zadi par… JP Zadi sur youtube), Jean-Pascal Zadi était relativement inconnu jusqu’à ce film hilarant et intelligent, une vraie révélation donc, qu’il cosigne avec le photographe de plateau (blanc) John Wax et qui semble en passe de devenir en France (et on l’espère au Luxembourg) la comédie d’un été pas comme les autres.

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