Quatre films sur 24 en compétition au 74e festival de Cannes ont été réalisés par des femmes. C’est peu mais alors qu’on a vu pire (aucune femme en compétition en 2012), on n’a jamais vu mieux. En 73 éditions, une seule femme a remporté la Palme d’Or et aucune réalisatrice n’a encore été présidente du jury, ceci expliquant peut-être cela. Thierry Frémaux assure que les sélectionneurs ne tiennent compte que de la qualité des films mais il arrive un moment où cet argument aura du mal à tenir. On jugera sur pièces du 6 au 17 juillet.

Le festival de Cannes a été annulé en 2020 mais une sélection ayant néanmoins été annoncée, les responsables ont dûment comptabilisé le cru. Les festivaliers, eux, sauteront directement du 72e au 74e festival qui aura toutefois lieu – pandémie oblige – de façon un peu décalée du 6 au 17 juillet prochain. Alors on découvrira enfin Benedetta de Paul Verhoeven dont la précédente oeuvre Elle était très injustement repartie bredouille de Cannes en 2016. Le Néerlandais s’intéresse cette fois à une religieuse mystique et lesbienne du 17e siècle, interprétée par Virginie Efira. Le sexe est l’un des thèmes privilégiés de Verhoeven, la personne de Jésus Christ le fascine depuis longtemps (il lui a même consacré un livre) et l’on peut donc être curieux de ce que donnera cette histoire (vraie) entre les mains d’un réalisateur qui se proclame par ailleurs fermement athée.
Avant Benedetta, on aura vu en ouverture Annette, nouvel opus de Léos Carax dont ce sera seulement le sixième long métrage en 37 ans et son premier en langue anglaise puisque interprété par Adam Driver aux côtés de Marion Cotillard. Mais alors que ces deux films très attendus racontent des histoires de femmes et portent un prénom de femme, la gent féminine n’est une fois de plus guère à l’honneur dans cette compétition 2021, avec seulement quatre réalisatrices (dont 3 Françaises!) sur 24 films.

Parmi ces rares élues de la compétition officielle figure l’Hongroise Ildikó Enyedi dont l’original Corps et Âme (sur un homme et une femme qui se retrouvent chaque nuit dans leur rêve sous la forme d’un cerf et d’une biche) a remporté en 2017 l’Ours d’Or à Berlin. L’histoire de ma femme évoque l’amour entre un capitaine de bateau et sa femme française interprétée par Léa Seydoux.
Catherine Corsini (La belle saison, Un amour impossible) raconte dans La fracture une histoire de Gilets jaunes et d’hôpital débordé, ce qui devrait nous rappeler quelques souvenirs . Un drame a priori très bergmanien nous attend en revanche sur l’île de Fårö où vécut nul autre que le grand réalisateur suédois. Pour les Luxembourgeois, Bergman Island, réalisé par Mia Hansen-Løve, a toutefois un autre attrait : Vicky Krieps y joue un rôle principal aux côtés de Tim Roth.
Après l’excellent Grave où elle nous initiait aux joies du cannibalisme, Julia Ducournau semble quant à elle cette fois lorgner plutôt du côté de David Cronenberg avec Titane. Du moins, c’est ce que laisse entendre le résumé officiel qui nous informe doctement que le titane est « souvent utilisé sous forme de prothèse en raison de sa biocompatibilité ».
„On pourra comparer et débattre si telle ou telle réalisatrice n’aurait pas eu les qualités requises pour faire partie de la compétition plutôt qu’un énième film de Nanni Moretti, François Ozon, Bruno Dumont, Jacques Audiard ou Sean Penn.“
Mais alors qu’elles sont clairsemées en compétition officielle, le nombre de réalisatrices est en légère hausse (une vingtaine ou environ 29%) si l’on tient compte de l’ensemble de la sélection officielle (incluant la section parallèle Un certain regard ainsi que les films présentés hors compétition, en séance de minuit ou séance spéciale ou bien dans la nouvelle section Cannes Première). Rien n’est encore gagné mais c’est quand même prometteur puisque c’est là que l’on découvre traditionnellement la prochaine génération de cinéastes. C’est vrai également de la Quinzaine des réalisateurs qui affiche une sélection à 50% féminine. On pourra donc comparer et débattre si telle ou telle réalisatrice n’aurait pas eu les qualités requises pour faire partie de la compétition plutôt qu’un énième film de Nanni Moretti, François Ozon, Bruno Dumont, Jacques Audiard ou Sean Penn (dont on n’a pas oublié le pathétique The Last Face, copieusement hué en 2016 et qui revient avec Flag Day interprété par lui-même et sa fille Dylan!).
The Female Gaze à la Cinémathèque

Maïwenn faisait partie des sélectionnées cannoises l’année dernière (sélection globale sans compétition ni sections parallèles) avec son film ADN, de même que Charlène Favier avec Slalom, deux oeuvres actuellement sur nos écrans. Et pour ceux qui ont envie de revisiter l’histoire des femmes réalisatrices, la Cinémathèque de la Ville de Luxembourg présente de juillet à septembre 50 films tournés par des femmes et rassemblés pour l’occasion sous le titre The Female Gaze. Le concept n’est certes pas d’une originalité folle mais il permettra de (re)découvrir quelques œuvres emblématiques, à commencer par Les petites marguerites de Véra Chytilova (1966), film politique, poétique et féministe, et moment phare de la nouvelle vague tchécoslovaque, qui fit sensation et scandale et n’avait pu sortir dans son pays que brièvement durant le Printemps de Prague.
En juillet, on retrouvera également dans la sélection de la Cinémathèque Mia Hansen-Løve (Le père de mes enfants, 2008) et, pour rester dans le genre bergmanien, Sofie réalisé en 1992 par Liv Ullmann, l’une des actrices fétiches du réalisateur. Et bien sûr The Piano de Jane Campion, arrivé premier dans un sondage sur les meilleurs films de femmes réalisé en 2019 par la BBC et qui reste à ce jour, après 73 éditions (!!), le seul et unique film tourné par une femme ayant remporté à Palme d’Or à Cannes.

Cet article a été corrigé, un moment d’inattention nous ayant fait prendre un David (Lynch) pour un autre (Cronenberg).
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