Sept réalisatrices en compétition au 76e Festival de Cannes
Sept ! Elles seront sept femmes à Cannes concourant pour la Palme d’or du 16 au 27 mai. Sept femmes qui ont tourné un tiers des films représentés. C’est un double record auquel s’adjoint un troisième : sur les quatre films officiellement français en compétition, trois sont tournés par des réalisatrices ! La nouvelle présidente du Festival, Iris Knobloch, y est-elle pour quelque-chose? On ne le saura pas, les voies de la sélection cannoise étant encore plus impénétrables que celles du Seigneur.
Thierry Frémaux a toutefois réussi à ternir ce bel exploit en décidant que l’un de ces sept films devait être Le Retour. La réalisatrice Catherine Corsini (La Belle Saison, 2015 ; Un Amour impossible, 2018) a en effet été accusée de harcèlement. Un technicien et un coach auraient par ailleurs eu un comportement inapproprié sur le tournage. Témoignages à l’appui, Corsini et sa productrice (et compagne dans la vie) Elisabeth Pérez se défendent de ces accusations… propagées dans des lettres anonymes. Mais le journal Libération a révélé que des techniciens ont quitté le tournage, « en raison d’humiliations répétées ». Et le CNC (le Filmfund français) a, de son côté, décidé de retirer à la production une partie des aides publiques attribuées (580.000 euros !) parce que la législation sur la protection des comédiens mineurs n’a pas été respectée. Une scène à caractère sexuel, interprétée par une mineure de moins de 16 ans, n’avait pas été déclarée dans les règles, ce que la production concède tout en précisant que l’adolescente était habillée et que la caméra n’a filmé que son visage (la scène a été coupée au montage). Le Syndicat des Professionnels des Industries de l’Audiovisuel et du Cinéma, ainsi que le Collectif 50/50, ont dénoncé la présence de Le Retour en compétition.
Le film raconte le retour d’une femme d’origine africaine, interprétée par Aissatou Diallo Sagna (découverte dans La Fracture) et de ses deux filles en Corse où elles ont vécu autrefois une tragédie. C’est le troisième long métrage de Catherine Corsini en compétition à Cannes après La Répétition en 2001 et La Fracture en 2021.

Catherine Breillat revient elle aussi en compétition après y avoir présenté en 2007 Une vieille maîtresse (avec Asia Argenta, qui avait par la suite accusé Breillat de cruauté et de comportements humiliants envers l’équipe). Son œuvre est en grande partie axée sur la sexualité féminine et comprend des films souvent provocants et controversés tels que Une vraie jeune fille (1976), 36 fillette (1988, sur une jeune fille de quatorze ans séduite par un homme qui en a quarante), Romance (1999, avec la star du cinéma porno, Rocco Siffredi,) ou A ma sœur ! (2000). Interprété par Léa Drucker, L’été dernier est un remake du film danois Queen of Hearts (May el-Toukhy,2019) et raconte la liaison qu’une avocate d’une cinquantaine d’années entretient avec son beau-fils âgé de 17 ans.

Troisième Française en lice, Justine Triet avait réussi un beau doublet avec Victoire (2016) et Sibyl (2019, en compétition à Cannes), tous deux interprétés par Virginie Efira. Qualifié de thriller hitchcockien, Anatomie d’une chute est seulement son quatrième long métrage et déjà sa deuxième sélection en compétition. Cette fois, c’est l’actrice allemande Sandra Hüller (Toni Erdmann, 2016) qui interprète le rôle principal d’une femme soupçonnée d’avoir tué son mari.
Ramata-Toulaye Sy est également Française mais d’origine sénégalaise et c’est au Sénégal qu’elle a tourné Banel et Adama qui lui vaut le rare honneur d’être présente en compétition dès son premier long métrage. Banel et Adama est issu du scénario qui avait constitué son travail de fin d’études à l’école de cinéma La Fémis à Paris et raconte l’histoire d’amour d’un jeune couple en rupture avec la tradition dans un village au nord du Sénégal.

Ancienne élève de Michael Haneke, l’Autrichienne Jessica Hausner est une réalisatrice très singulière, à la filmographie passionnante. Dans son premier long métrage Lovely Rita (2001), elle faisait le portrait d’une jeune fille de famille bourgeoise et catholique, qui tue ses deux parents. Dans Hotel (2004), un « film d’horreur sans monstre », elle faisait surgir l’angoisse rien qu’avec des plans noirs, des couloirs vides et des bruits non identifiables. Lourdes (2009), qu’elle décrit comme « un conte de fées cruel », scrutait avec une curiosité presque scientifique les rituels religieux et la sidération de tous quand arrive un miracle. Dans Amour fou (2014), elle s’attaquait avec humour au film historique et à la conception de l’amour «romantique» en mettant en scène l’écrivain Heinrich von Kleist à la recherche d’une femme prête à mourir avec lui. Little Joe, présenté en compétition à Cannes en 2019, était une inattendue et étrange variation sur le mythe de Frankenstein mâtiné de Jurassic Parc. Pour son nouveau film intitulé Club Zero, elle dit s’être inspirée du conte Der Rattenfänger von Hameln pour élaborer une histoire de manipulation d’enfants que leur enseignante (Mia Wasikowska) va amener à refuser toute nourriture.

Alors que Jessica Hausner pose sur la société et les humains un regard à la fois curieux et implacable dans des films à l’esthétique froide, l’Italienne Alice Rohrwacher joue tout au contraire l’humanité et l’émotion dans des histoires fortement teintées de catholicisme et mettant de préférence en scène des communautés traditionnelles Après Le meraviglie (Grand Prix du Jury 2014) et Lazzaro felice (Prix du scénario 2018), La Chimère est son troisième film en compétition et constitue avec les deux précédents une trilogie sur la vie à la campagne. Josh O’Connor (le prince Charles dans The Crown) y joue un archéologue confronté au trafic d’objets.
Pour la Tunisienne Kaouther Ben Hania, Les Filles d’Olfa sera la première sélection en compétition après un passage remarqué dans la section Un certain regard avec La Belle et la Meute (2017), qui racontait la descente en enfer d’une jeune femme violée par des policiers à Tunis. Elle a ensuite réalisé le curieux L’homme qui a vendu sa peau, nominé à l’Oscar du meilleur film étranger en 2021, dont le protagoniste, un réfugié syrien, accepte de transformer son corps en œuvre d’art pour obtenir un visa Schengen. Les Filles d’Olfa est un documentaire sur une mère dont les deux filles adolescentes se sont radicalisées et ont rejoint Daech.
Et toujours sur les écrans luxembourgeois:

Tengo suenos electricos de Valentina Maurel
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