Un ancien film du réalisateur français Bruno Dumont s’appelle L’humanité (1999). C’était la période « sérieuse » du philosophie devenu cinéaste. Aujourd’hui, il s’intéresse toujours à la condition humaine, mais essaie de traiter le sujet par l’absurde alors que le réalisateur allemand Matthias Glasner l’approche plus traditionnellement par le biais de la chronique familiale et la Française Mati Diop par une réflexion sur l’histoire coloniale.
L’Empire de Bruno Dumont

Bruno Dumont serait-il emblématique de ces réalisateurs (surtout français) qui, à force d’entendre clamer leur génie dans les médias et les festivals, se persuadent que tout ce qu’ils touchent se transforme en art ? Présenté en compétition à Berlin, son nouveau film s’appelle L’Empire, se la joue « Guerre des Etoiles » et se passe sur la Côte d’Opale où il avait déjà situé sa série Le P’tit quinquin (2014), petit chef-d’œuvre de philosophie par l’absurde.
Comme dans la série Coincoin et les Z’inhumains (2018), il reprend donc les mêmes décors et, en partie, les mêmes personnages, qui se contentent toutefois ici de faire de la figuration. Au centre du récit se trouvent plutôt Jane (Anamaria Vartolomei) et Jony (Brandon Vlieghe), la première étant du côté des « bons » tandis que le deuxième fait partie des « méchants » Chacun rend compte à son grand chef respectif, la Reine (Camille Cottin) pour Jane, et Belzébuth (Fabrice Luchini, qui en fait des mégatonnes) pour Jony. Ces deux races d’extraterrestres se disputent le sort de l’humanité par l’intermédiaire d’une sorte d’Antéchrist dissimulé sous le déguisement d’un joyeux bambin engendré par Jony.
Cela ne vous semble faire aucun sens ? C’est normal, c’est fait pour. Selon les déclarations de Dumont lui-même, il voulait comprendre dans ce film « pourquoi nous sommes aussi bons que mauvais ». Ouais… C’est lourd, c’est long, c’est parfois pathétique (mais c’est voulu) et c’est barbant.
Dahomey de Mati Diop
La France a heureusement autre chose à proposer à Berlin. Mati Diop (Atlantique, 2019) livre une réflexion cinématographique sur la problématique des œuvres volées dans les pays colonisés et qui sont aujourd’hui restituées, au compte-goutte, à leurs pays respectifs. En l’occurrence, elle a suivi le voyage de 26 œuvres d’art (sur 7000 !) rendues au Bénin en 2021.

En donnant une voix aux œuvres elles-mêmes ainsi qu’aux étudiants et étudiantes du Bénin qui s’interrogent sur la signification de cette restitution et celle de ces objets dans leur histoire, le documentaire Dahomey (ancien nom du Bénin) fait dialoguer le passé et le futur. Car ce qui pourrait n’apparaître que comme le voyage d’œuvres d’art d’un pays vers un autre, est un acte hautement politique qui a nécessité de considérables efforts diplomatiques (François Hollande avait d’abord refusé avant qu’Emmanuel Macron n’accepte la restitution… sous condition que le Bénin construise un nouveau musée pour les recevoir). Mais Mati Diop exclut consciemment le discours français pour partager avec nous les réflexions des Béninois qui, loin de béatement applaudir ce retour, en discutent de manière controversée. Mieux que de longs exposés, ce court film d’à peine plus d’une heure soulève des questions passionnantes sur l’histoire coloniale, les relations entre la France et l’Afrique et le concept même des musées à l’européenne.
Sterben de Matthias Glaser

Il faut un certain culot pour intituler Sterben (Mourir) un film de trois heures. Le réalisateur allemand Matthias Glasner s’en justifie par l’intermédiaire d’un de ses personnages, un compositeur dépressif qui vient d’écrire une œuvre portant précisément ce titre et que les sponsors trouvent trop longue. Lui s’en défend. Il cherche à atteindre la perfection tout en évitant de tomber dans l’hermétisme. Toucher le public sans tomber dans le pathos et le kitsch, c’est bien sûr aussi ce que tente – et réussit en partie – Glasner en racontant l’histoire d’une famille qu’on peut qualifier de dysfonctionnelle. Le père et la mère se meurent, le frère et la sœur alcoolique (Lilith Stangenberg) ne se parlent plus depuis longtemps. Suivant l’exemple de nombreux films qui adoptent une structure popularisée par les séries, Sterben est divisé en plusieurs actes dont les trois premiers relatent chacun le point de vue d’un des personnages. Le début du film, centré sur la mère Lissy (Corinna Harfouch) et le fils Tom (Lars Eidinger), chef d’orchestre et « presque père » d’une petite fille qu’il a aidée à mettre au monde, est la partie à la fois la plus casse-gueule, puisqu’elle évoque la maladie et la vieillesse de façon très directe, mais c’est aussi la partie dans laquelle le cinéaste réussit parfaitement le mélange entre émotion et comédie. Une longue discussion entre Lissy et Tom, simplement filmée en champ contre-champ, commence ainsi sur le ton un peu raide entre un parent et son enfant adulte qui n’ont plus grand-chose à se dire, et dévoile peu à peu l’horreur glaçante d’une vie faite d’absence d’amour et de mensonges. C’est un grand moment de cinéma au côté duquel tout le reste pâlit, même si on suit les personnages sans vrai ennui jusqu’au bout.
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