Le dossier de septembre dans forum est consacré au Temps. Cela nous a donné l’envie de revenir sur quelques-uns des plus beaux ralentis et accélérés au cinéma. La thématique étant très vaste, il s’agit d’un choix tout à fait subjectif et que nous espérons néanmoins instructif.
Le temps du muet
On peut dire que, d’une certaine façon, le cinématographe est né avec le ralenti. Lorsque Eadweard Muybridge décompose en 1878 les mouvements d’un cheval au galop en une série de photographies prises très rapidement les unes après les autres, il arrête pour la première fois le temps et révèle des détails jamais vus auparavant[i].
Muybridge a ensuite « projeté » ces images sur un zoopraxiscope, dispositif inventé par lui et qui compte parmi les précurseurs du projecteur cinématographique. Les projections de la série qu’on voit aujourd’hui sont des animations – plus ou moins ralenties – réalisées à partir des photographies originales.
Un peu plus tard, le physiologiste Lucien Bull met au point la cinématographie ultra-rapide qui permet de tourner plusieurs milliers d’images par seconde. Lors de la projection à vitesse normale (aujourdhui: 24 images/seconde), cela donne des mouvements très ralentis. Dans les années 1920, il arrive ainsi à rendre visible la trajectoire d’une balle de fusil sans se douter que, cent ans plus tard, cela restera l’un des effets les plus utilisés dans les films d’action !
Mais si le ralenti permet de voir ce qui bouge trop rapidement pour l’œil humain, l’accéléré rend au contraire visible des mouvements si lents que nous ne les percevons pas, telle que la métamorphose des plantes ou des insectes. Dès la fin du XIXe siècle, des scientifiques comme le botaniste allemand Wilhelm Pfeffer expérimentent la technique du time lapse, ou hyperaccéléré, qui consiste à photographier un sujet à intervalle régulier pour ensuite projeter les images à 24 images/seconde.
Mais à vrai dire, il est très difficile de savoir à quelle la vitesse étaient réellement projetés les films à l’époque du muet. Les caméras comme les appareils de projection étaient actionnés à la main, en tournant une manivelle. Même lorsque caméras et projecteurs commencent à être équipés de moteurs, la vitesse n’est pas uniformisée (et certains continuaient à préférer la plus grande maîtrise que leur apportait la manivelle). Cela ne viendra qu’avec le parlant puisque les dialogues et la musique devaient nécessairement être projetés à la vitesse de l’enregistrement pour ne pas être déformés.
Au temps du muet, la vitesse d’enregistrement pouvait varier considérablement selon le genre, le réalisateur, le cameraman ou l’action à filmer. Et à l’arrivée, il n’était pas inhabituel que les exploitants augmentent plus ou moins la vitesse de projection afin de proposer davantage de séances par jour ou de caler le début des séances à un horaire précis. Le pianiste et accompagnateur de films muets Ben Model pense que les cinéastes étaient conscients de cette accélération et en tenaient compte quand ils tournaient leurs films[ii]. Certains indiquaient précisément à quelle vitesse le projectionniste devait jouer le film (libre à celui-ci de respecter ou non ces recommandations). La tendance actuelle, qui consiste à projeter les films muets à la vitesse qui semble la plus réaliste – et le mot « semble » est ici important car il s’agit d’une perception très subjective – risquerait donc d’aller à l’encontre des souhaits de cinéastes qui s’attendaient au contraire à ce que leurs films soient projetés à une vitesse accélérée.
Le temps de la mort
En-dehors du cinéma d’avant-garde et expérimental que nous laisserons ici de côté, le ralenti et l’accéléré sont peu utilisés dans l’après-guerre. C’est le Japonais Akira Kurosawa qui les remet à l’ordre du jour dans des scènes d’action scrupuleusement étudiées ensuite par quasiment tous les réalisateurs américains qui viennent après lui. Dans Les Sept samouraïs (1954), il joue ainsi magistralement du rapprochement entre des cadences différentes, de l’action hyper rapide (au point que le spectateur ne comprend d’abord pas ce qui vient de se passer), à une image quasi statique suivie d’un ralenti très prononcé sur une mort annoncée par trois fois et néanmoins surprenante. Ses scènes de bataille mélangent accélérés et ralentis sans pour autant esthétiser l’abjection de la mise à mort, ce qui ne sera plus tout à fait le cas de ses successeurs américains.
Sitôt débarrassés du Code Hays qui veillait à la morale dans les films hollywoodiens en interdisant, entre autres, la représentation détaillée de meurtres, ceux-ci semblent vouloir rattraper le temps perdu et imaginent des fusillades mises en scènes comme des chorégraphies sanglantes dans lesquelles se reflète le contexte politique de l’époque, marqué par la violence et la guerre du Vietnam.
En 1966, lorsque Arthur Penn tourne Bonnie and Clyde, les États-Unis sont encore sous le choc de l’assassinat de John F. Kennedy, survenu trois ans plus tôt. La fameuse scène finale du film y fait clairement allusion en montrant notamment un morceau de la tête de Clyde Barrow (Warren Beatty) s’envolant au ralenti (à la seconde 21 dans notre extrait ci-dessous), rappel direct du fameux film tourné par Jim Zapruder et dont l’image no. 313 immortalise l’éclatement de la tête de Kennedy. Comme Kurosawa, Penn mélange des plans en vitesse réelle avec des accélérés et des ralentis pour accentuer l’ultraviolence de l’exécution[iii]. Mais chez lui, le ralenti acquiert également une dimension de sublimation. Bonnie and Clyde est une histoire d’amour passionnelle entre deux rebelles en quête de liberté et qui réalisent leur destinée tragique dans la mort.
Ce film lie ainsi irrémédiablement le ralenti à la mort, ce moment mystérieux où le corps change d’état et devient un objet inerte, un objet sans mouvement. Le ralenti est par ailleurs encore accentué – étiré pourrait-on dire – par le montage qui (en s’inspirant de la Nouvelle Vague française) reprend trois fois de suite l’image du corps de Clyde s’écroulant au son des mitraillettes (secondes 21 à 23).
Oliver Stone s’en souviendra vingt ans plus tard quand il met en scène son expérience personnelle de la guerre du Vietnam dans Platoon (1986). Non seulement le « bon » sergent Elias (Willem Dafoe) tombe trois fois à genoux, au ralenti, sur l’adagio pour cordes de Samuel Barber, mais la séquence se termine par un faux raccord durant lequel Elias tombe et retombe, toujours au ralenti, les bras levés au ciel dans une position christique filmée sous des angles différents. Seuls les plans tournés au sol, au niveau d’Elias, sont au ralenti, alors que ceux qui nous placent près du protagoniste Chris (Charlie Sheen) dans l’hélicoptère sont projetés à vitesse normale, accentuant la distance entre les deux personnages, l’un se sauvant en s’élevant dans les airs, et l’autre trahi par son propre camp et abandonné aux Viêtcongs. La mort d’Elias représente la faillite morale des États-Unis au Vietnam, soulignée par l’emploi élégiaque d’un ralenti que la musique de Barber intensifie.
L’origine et le symbole de cette faillite morale sont à chercher, dans l’esprit d’Oliver Stone, dans l’assassinat le 22 novembre 1963 de John F. Kennedy, en l’honneur duquel la radio diffusa par ailleurs ce même adagio de Barber, quelques jours après son enterrement. Il y revient en 1991 dans JFK qui fonctionne en grande partie comme une véritable leçon d’analyse de sources iconographiques et audiovisuelles, tout en se présentant comme un film militant visant à opposer un récit alternatif au « master narrative » du meurtrier solitaire imposé, selon Stone, par le gouvernement et les médias américains.
A la fin, il reconstitue le procès historique durant lequel le procureur Jim Garrison (Kevin Costner) accusa l’homme d’affaires Clay Shaw (Tommy Lee Jones) de complicité dans l’assassinat de JFK. C’est à cette occasion que fut, pour la première fois, montré publiquement le film 8mm tourné par le cinéaste amateur Abraham Zapruder, qui immortalisa donc le moment où la balle fatidique frappe la tête de Kennedy.
Tout le film de Stone (d’une durée de plus de trois heures) est construit comme un compte à rebours tendant inéluctablement vers le moment où la tête de JFK éclate et où l’Amérique change de visage. C’est comme si les Américains présents à Dallas en 1963, le public dans la salle de justice en 1969 et les spectateurs du film de Stone en 1991 retenaient ensemble leur souffle en repoussant le plus longtemps possible l’instant de cette mort annoncée, tandis que défilent au ralenti des images d’archives mêlées à des reconstitutions. Outre d’étirer le temps jusqu’à l’insupportable, les ralentis sur les plans de Zapruder sont supposés nous aider à mieux voir ce qui se passe. Mais à cause du grain de la pellicule 8mm, encore accentué par des zooms dans l’image, on ne voit de fait pas grand-chose et on est obligé de faire confiance aux explications de Kevin Costner qui se fait ici le porte-parole de Stone. Et à nouveau, le moment qui continue de hanter l’Amérique est répété au ralenti, encore et encore.
Mais revenons à la fin des années 1960. Deux ans après Bonnie and Clyde, Sam Peckinpah mélange lui aussi dans The Wild Bunch (1969) vitesse réelle, accélérés et ralentis, ainsi qu’un montage ultrarapide et une multitude d’angles différents pour mieux désorienter le spectateur et le perdre dans une véritable orgie de violence qui a choqué à l’époque une grande partie du public[iv]. L’étirement du temps qui permet de voir le sang gicler et les grenades exploser contribue incontestablement ici à l’esthétisation de la barbarie et de la mort, même si l’intention de Peckinpah était de reproduire et dénoncer la violence réelle de la société américaine et de la guerre alors en cours[v].
Le temps de la balle
Depuis la fin des années 1960, rares sont les films d’action qui se passent de ralentis, parfois utilisés à bon escient mais tout aussi souvent comme un effet cool qui permet de valoriser en les étirant d’onéreux effets spéciaux. Il faut toutefois attendre 1999 pour que les Wachowski franchissent une nouvelle étape. Dans Matrix (1999), Lana et Lilly Wachowski utilisent pour la première fois dans un film populaire le bullet time, littéralement « le temps de la balle »[vi], en revenant à des techniques de décomposition du mouvement héritées de Muybridge, mélangés à des effets numériques complexes et des mouvements de caméra virevoltants dans un film dont le protagoniste Neo (Keanu Reeves) est capable de se mouvoir à une vitesse supérieure à celle du son.

Comme avant lui le ralenti, le bullet time, souvent en combinaison avec d’autres effets visuels facilités par la technologie digitale, a été repris dans une multitude de films d’action jusqu’à se trouver banalisé. Peu l’utilisent de façon aussi décalée que cette belle scène dans X-Men : Days of Future Past (Bryan Singer, 2014) dans laquelle le personnage du mutant Quicksilver devient pour quelques instants le maître du temps.
Le temps subjectif
Plutôt qu’un pouvoir spirituel ou surhumain, la distorsion du temps est aussi utilisée pour illustrer un temps psychologique différent du temps « réel ». C’est dans cette idée qu’intervient le ralenti dans les scènes de mort violente, d’explosions ou d’accidents, quand le temps semble littéralement s’arrêter pour la personne concernée. Un exemple en est la séquence très remarquée en 1970 de l’accident de voiture dans Les Choses de la vie de Claude Sautet. Michel Piccoli y interprète Pierre, un homme marié, éjecté de sa voiture alors qu’il allait rejoindre son amante Hélène (Romy Schneider). Pendant qu’il est dans le coma, il revoit certains épisodes de sa vie tandis que des moments de l’accident sont répétés tout au long du film. Vers la fin, on découvre dans sa totalité le déroulement de l’accident, une séquence que Sautet a décrite comme une « valse lente menant à la mort », d’abord montrée au ralenti du point de vue de Pierre. La musique de Philippe Sarde sur ces plans semble elle aussi comme ralentie. Mais l’un des témoins déclare aux gendarmes que « ça a été tellement vite » et on découvre alors l’accident en « temps réel » (en vérité, ces séquences ont été accélérées, la voiture roulant moins vite pour des raisons de sécurité des acteurs et cascadeurs). Et c’est la confrontation du choc de la voiture heurtant de plein fouet un camion puis faisant plusieurs tonneaux avant de s’encastrer dans un arbre – le tout en juste douze secondes ! A noter que le ralenti était déjà intégré dans le roman de Paul Guimard qu’a adapté Claude Sautet.
Le ralenti est donc le signe d’une dramatisation mais aussi d’une subjectivisation des images. C’est pourquoi, il est souvent utilisé pour les moments de traumatisme, mais aussi pour les séquences de rêve, d’hallucinations ou de retours vers le passé. Il est plus surprenant de voir ce genre de séquences illustrées au contraire par un accéléré comme le fait Jane Campion dans In the Cut (2003) où la protagoniste Frannie (Meg Ryan) se souvient de l’idylle de ses parents. Les images sont tournées dans un ton sépia et projetées en accéléré, sans son diégétique, rappelant l’idée qu’on se faisait du cinéma muet. Au lieu de les romantiser, l’accéléré leur confère cependant non seulement quelque chose de comique, mais aussi, par les mouvements trop brusques, une tension inhérente. Et effectivement, le rêve tourne au cauchemar. On apprend que la mère de Frannie a été abandonnée par le père, décrit comme un prédateur sexuel qui a poussé à la mort sa femme et durablement traumatisé ses deux filles.
Le temps de la grâce
Ce que l’accéléré enlève à ces séquences a priori romantiques d’un couple dansant sur la glace, c’est d’abord l’élégance. Alors qu’à une vitesse augmentée, les gestes paraissent saccadés et incontrôlés, le ralenti souligne au contraire leur harmonie et peut donner l’impression que des figures humaines flottent dans l’espace, libérées de toute pesanteur. Cet effet est notamment utilisé dans le sport, à commencer par l’Olympia de Leni Riefenstahl (1938) tourné durant les Jeux Olympiques à Berlin en 1936. Les athlètes semblent évoluer parmi les nuages, d’autant plus que, dans cette séquence particulière, on ne les voit jamais toucher terre.
L’harmonie et la grâce que confère le ralenti est utilisé par certains cinéastes pour contribuer à créer des atmosphères esthétiquement et émotionnellement envoûtantes. Nul ne maîtrise mieux cet art que le cinéaste hongkongais Wong Kar-wai et il ne l’a jamais employé de façon plus déchirante que dans la séquence muette de In the Mood for Love (2000) dans lequel Mme Chan (Maggie Cheung) et M. Chow (Tony Leung) empruntent la même ruelle sombre, aveugles à la présence de l’autre. Les deux protagonistes sont prisonniers de leur solitude, ce que souligne le moment hors du temps dans lequel le ralenti est encore davantage étiré par la musique lancinante. Il en naît une profonde mélancolie, sentiment souvent associé à l’incapacité de « bouger » et à l’impression d’être étranger au monde qui nous entoure.
Le temps du rêve
L’immersion dans la tête du protagoniste, l’état fiévreux d’une conscience semi-comateuse, la présence obsédante de la mort, nous les retrouvons – à un tout autre niveau il est vrai – dans l’ouverture hallucinée de Apocalypse Now de Francis Ford Coppola (1979) où la jungle vietnamienne explose au ralenti tandis que Jim Morrison chante The End sur des images d’enfer qui se superposent aux plans de Willard (Martin Sheen), ivre-mort dans une chambre d’hôtel miteuse à Saïgon. Loin du « réalisme » revendiqué par certains films de guerre, celui de Coppola met en scène la folie au sens propre de la guerre et cette première séquence au ralenti nous plonge immédiatement dans la vision cauchemardesque et profondément troublante du personnage tout en rappelant le bombardement bien réel de la jungle vietnamienne par l’armée américaine.
Encore plus mystérieux est le très fameux plan dit « de l’ascenseur » dans le Shining de Kubrick (1980) au cours duquel les portes rouges d’un ascenseur s’ouvrent pour laisser s’échapper au ralenti une véritable marée de sang, qui inonde le couloir de l’hôtel et finit même par submerger la caméra et donc implicitement le public. Cette séquence revient, comme l’accident des Choses de la vie, plusieurs fois comme un leitmotiv. Elle a même été utilisée en tant que bande-annonce à l’époque de la sortie du film. La scène n’a aucune explication directe dans la narration et c’est ce qui la rend d’autant plus terrifiante. Est-ce une manifestation surnaturelle de l’hôtel Overlook qui semble développer une vie propre ou bien une hallucination qui naît de l’angoisse du petit Danny, mais fige aussi de terreur sa mère dans une séquence ultérieure ? C’est en tout cas une image d’une rare puissance esthétique et d’une inquiétante étrangeté (traduction française donnée par la psychanalyste Marie Bonaparte de ce que Freud appelait en allemand Das Unheimliche), propre à hanter le spectateur.
Plus ordinaire mais non moins troublant est un autre liquide qui coule au ralenti dans Le Sacrifice (1986) d’Andrei Tarkovski dans lequel un homme se sacrifie pour sauver l’humanité après le déclenchement d’une guerre nucléaire. Placée comme l’ascenseur de Kubrick au centre de l’image, une jarre remplie de lait tombe et s’écrase au ralenti sur le sol sous les vibrations d’un bombardier annonçant le conflit nucléaire. L’événement n’a aucune incidence directe sur la narration mais fonctionne – semblable en cela à l’image de Kubrick – par « l’impact esthétique et [le] sentiment d’irréalité » qu’il génère[vii]. Ce n’est toutefois pas l’aspect horrifique qui intéresse Tarkovski mais la dimension spirituelle d’un objet qui semble avoir un énigmatique et insaisissable lien avec l’au-delà.
A l’exception des films d’action, le genre qui s’est sans doute le plus approprié le ralenti et l’accéléré (notamment le time lapse) est le documentaire animalier. Ce n’est pourtant qu’assez récemment qu’il y a recours de façon presque systématique. On revient ici à la fonction première de la modification des vitesses d’enregistrement : donner à voir ce que l’œil humain est incapable de saisir, que ce soit la naissance d’un moustique ou le vol d’un colibri. Pourtant, ces techniques sont compliquées à mettre en œuvre en pleine nature et sont longtemps restées réservées aux prises de vue en studio.
En France, Frédéric Rossif est l’un des premiers à utiliser le ralenti dans des prises de vue en milieu sauvage, grâce à une caméra mise au point par les Américains pour filmer des tirs de missiles au Vietnam. Son film La Fête sauvage (1976) essaie d’évacuer tout point de vue anthropocentrique pour mettre en vedette les animaux que le réalisateur Frédéric Rossif reliait à la fois à un lointain passé et aux rêves : « Avant que l’homme n’apparaisse, ils ont peuplé nos rêves : les animaux sont notre mémoire noire. Ils nous rappellent le temps ancien où nous bougions encore comme eux. » (dossier de presse). Et c’est sans doute pourquoi Rossif a très souvent recours au ralenti. La bande-annonce réalisée pour la sortie de la copie restaurée en 2014 est ainsi presque entièrement constituée de ralentis[viii].
Le temps de l’adieu
Pleinement conscient de la menace qui pesait déjà en 1976 sur la biodiversité, Rossif a filmé la faune sauvage pour qu’elle continue de peupler nos rêves. C’est dans la même tradition que se situent les innombrables et très populaires séries animalières présentées par David Attenborough. Après un time lapse sur le ciel étoilé, la quasi-totalité de l’ouverture de la série Our Planet (produite par Netflix en 2019) est elle aussi projetée au ralenti. Attenborough remonte également aux origines de l’humanité, mais pour nous rappeler que le monde sauvage est en train de disparaître. Là où la musique de Vangelis sur l’annonce de La fête sauvage célébrait encore un monde en sursis, le commentaire et la musique plus mélancolique dans Our Planet sonnent comme un adieu à la nature, malgré une dernière phrase qui se veut rassurante.
La Terre disparaîtra-elle alors dans un dernier et sublime ralenti porté par le prélude du Tristan et Iseut de Richard Wagner ? C’est en tout cas ainsi que l’imagine Lars von Trier dans son film Melancholia (2011) qui réunit tout ce que le ralenti sait faire de mieux : le rêve, l’hallucination, la mélancolie et la mort.
[i] On découvre ainsi qu’au moment où le cheval au galop a les quatre pattes en l’air, elles sont rassemblées sous son corps et non projetées en avant et en arrière, comme on le pensait jusqu’alors.
[ii] Il donne un bel exemple avec un film de Buster Keaton
[iii] Arthur Penn a filmé la séquence avec quatre caméras tournant à des vitesses différentes.
[iv] Peckinpah a utilisé six caméras à des vitesses différentes.
[v] Robert Kennedy et Martin Luther King sont tous deux assassinés durant le tournage de The Wild Bunch.
[vi] Des techniques comparables avaient déjà été utilisées par des artistes et dans quelques clips vidéo.
[vii] https://www.sciencespo.fr/artsetsocietes/fr/archives/2652
[viii] Je n’ai pas retrouvé la bande annonce originale. Il aurait été intéressé de vérifier si l’accent était pareillement mis sur les plans au ralenti ou si on les a intégrés dans le nouveau trailer pour rapprocher le film d’une esthétique devenue incontournable dans les documentaires animaliers.
La quasi-totalité des films cités sont disponibles sur a-z.lu
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