Seul documentaire en compétition, Timestamp a été coproduit au Luxembourg par a_Bahn et nous invite à un voyage à travers les écoles dans l’Ukraine en guerre tandis que Richard Linklater nous replonge en 1943 en faisant le portrait du librettiste américain Lorenz Hart.

Le documentaire Timestamp est né de la commande d’une association qui soutient le personnel enseignant et veille à ce que les enfants ukrainiens continuent d’avoir accès à l’éducation. La réalisatrice Kateryna Gornostai s’est cependant très vite approprié le projet pour en faire un film de plus grande envergure, montrant l’impact de la guerre sur la jeunesse d’un pays. Elle a choisi de n’utiliser ni interviews ni commentaire, mais de nous faire participer au quotidien des enfants et de leurs professeurs.
Certaines écoles se trouvent tout près du front ou ont été bombardées, d’autres sont situées plus loin, mais partout le temps scolaire est rythmé par les alertes aériennes, les commémorations et de nouvelles matières qui font leur apparition dans le programme scolaire afin de préparer les élèves au pire. La réalisatrice s’attarde souvent sur les visages des enfants, comme pour mieux demander ce qui peut se passer dans la tête d’un gamin obligé de vivre et d’apprendre dans cette atmosphère.

La cinéaste souligne elle-même, dans le dossier de presse, la plus grande faiblesse de son film : au lieu de choisir quelques écoles représentatives et nous familiariser avec les élèves et les profs qui les fréquentent, elle a multiplié les établissements, risquant ainsi de perdre en route des spectateurs déroutés par la multiplication des décors et surtout des protagonistes auxquels on n’a jamais le temps de s’attacher. De vivre plus longtemps avec les personnages aurait pourtant permis de créer un sentiment d’empathie, de faire passer plus facilement les moments où le quotidien scolaire suit simplement son cours et même de mieux situer ce qui se passe. Tout au début du film, la caméra filme ainsi une petite fille qui pleure lors d’une cérémonie mais on ne sait pas pourquoi. Sa tristesse est-elle liée à la guerre ou bien est-elle malheureuse pour une autre raison ?
Les élèves n’ayant, de leur côté, pas le temps de s’habituer à la présence de la caméra, ils paraissent souvent bien sages. Sur certaines écoles, le film n’a pas grand chose à dire qui n’ait déjà été montré dans une autre. On aurait aimé aussi en apprendre d’avantage sur les adolescents qui, on l’imagine, reste des ados avant tout, avec leurs révoltes, leurs angoisses et leurs attentes. Et à l’exception d’une séquence mettant en scène des parents d’élèves qui protestent contre les retards survenus dans la reconstruction d’une école, tout semble parfois presque aller trop bien.
Ce que le film transmet en revanche de façon impressionnante, c’est la volonté de résistance d’un peuple et sa détermination à offrir à sa jeunesse les moyens et la force de continuer à célébrer la vie. Sans rien cacher des souffrances de la guerre, la réalisatrice – qui a elle-même perdu un frère dans les combats – enveloppe son film dans une lumière douce et une composition musicale entêtante du musicien ukrainien Alexey Shmurak, chantée a capella. Au lieu de désigner un ennemi à abattre, elle invite à transmettre la beauté, l’art et le partage. C’est déjà une victoire !
Le dandy et sa protégée
Richard Linklater est l’un des rares cinéastes réputés présents en Compétition à la Berlinale. Après son malicieux Hit Man (2023), et en attendant la sortie de Nouvelle Vague plus tard dans l’année, il y propose Blue Moon, un film plus modeste par la forme mais porté par une distribution alléchante. On y retrouve en effet les ultra présents Margaret Qualley et Andrew Scott aux côtés d’Ethan Hawke, acteur fétiche de Linklater depuis trente ans.
Cela se passe en 1943 mais la guerre n’est présente qu’en filigrane, en la personne d’un pianiste en uniforme. Le film est tout entier tourné dans un seul décor, le bar où le parolier Lorenz Hart (Ethan Hawke) s’enivre et laisse éclater sa frustration face au succès de la comédie musicale Oklahoma ! que son partenaire de toujours, Richard Rodgers (Andrew Scott), vient de produire en 1943 avec un nouveau collaborateur, Oscar Hammerstein II. Rodgers et Hammerstein deviendront l’un des plus célèbres duos de Broadway alors que Hart mourra quelques mois plus tard après s’être effondré, ivre-mort, dans un caniveau.

Linklater commence son film par cette mort pathétique qui teinte tout le reste d’une cruelle mélancolie. Dans le bar du restaurant où est célébrée la première de Oklahoma !, Hart se met en scène en dandy intransigeant et autodestructeur, orgueilleux et bouffon. C’est un rôle en or pour Ethan Hawke qui s’amuse visiblement à incarner l’auteur de chansons célèbres comme The Lady Is a Tramp ou Blue Moon. Bienveillant et un tantinet condescendant envers son vieil ami, Rodgers apparaît, face à lui, davantage comme un businessman que comme un artiste.
Bien que très théâtral, Blue Moon se regarde avec plaisir tant qu’il laisse Hart commenter les répliques de Casablanca(sorti peu avant) ou déverser sa bile sur à peu près tout ce qui bouge, à commencer par cet Oklahoma ! – le point d’exclamation irrite tout particulièrement Hart – un peu mièvre qui célèbre, en pleine Seconde guerre mondiale, « une Amérique qui n’a jamais existé ». Quand il se concentre cependant sur les relations de Hart avec sa protégée Elizabeth Weiland (Margaret Qualley), de 27 ans sa cadette et dont il dit être fou amoureux (tout en préférant visiblement les hommes), on ne peut réprimer une sentiment de lassitude. On a tout simplement vu trop de vieux messieurs poursuivre de leurs assiduités une femme beaucoup plus jeune qu’eux, pour ne pas être agacé par cet étalage de courtisanerie et d’autoflagellation mêlées.
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