Luxfilmfest 1 – Désirs

Trois films présentés en début de festival parlent de résistance à un moment où ce terme risque de prendre une nouvelle signification dans notre partie du monde. Mais la bonne surprise est un film interprété par des non professionnels, qui nous emmène dans les environs de Naples sur les pas d’une attachante coiffeuse.

Vittoria d’Alessandra Cassigoli et Casey Kauffman (Compétition)

Première bonne surprise de ce 15e Luxfilmfest, le film italien Vittoria, du duo de réalisateurs Alessandro Cassigoli et Casey Kauffman, suit le parcours de la coiffeuse Jasmine (Marilena Amato) qui habite avec sa famille près de Naples. Bien que dotée d’un gentil mari et de trois fils d’âges divers qui lui sont dévoués, elle sent un vide au fond d’elle-même. Elle a toujours rêvé d’avoir une fille mais, après trois accouchements difficiles, préfère opter pour l’adoption. Elle entame donc, d’abord seule, puis peu à peu soutenue par son époux, un véritable parcours de la combattante qui va la conduire jusque dans un orphelinat biélorusse.

Vittoria © Intramovies

Les réalisateurs ont fait rejouer aux personnages réels, rencontrés lors d’un long métrage précédent, les événements qu’ils ont vécus il y a quelques années. Le film n’a pourtant rien des reconstitutions plus ou moins laborieuses que l’on associe parfois avec ce genre d’entreprise. Porté par Marilena Amato/Jasmine, à laquelle on s’attache presque instantanément, Vittoria est écrit, filmé et monté comme une fiction à part entière. Ce que permet aux cinéastes ce point de départ réaliste et vécu, c’est d’éviter en très grande partie la plupart des clichés généralement attachés à la fois aux histoires de famille et au milieu ouvrier dans lequel est situé le récit. Les personnages se révèlent toujours un peu différents de ce à quoi on s’attend. Ce qui touche ici, c’est qu’ils font tous preuve d’une grande bienveillance et d’une gentillesse naturelle qui ne paraissent jamais artificielles ou naïves. Chose plutôt rare aujourd’hui, les deux réalisateurs réussissent même leur fin, pleine de tendresse et d’amour fragile. (Prochaines séances les 9 et 12 mars)

Bound in Heaven de Huo Xin (Compétition)

Bound in Heaven © Such a Good Film

Egalement projeté en compétition, le film chinois Bound in Heaven de Huo Xin semble s’adresser à ce qu’on appelle aujourd’hui un public de jeunes adultes en racontant une sirupeuse histoire d’amour à mort. Le problème principal du film est qu’on reste toujours à distance des personnages. Xia You (Ni Ni) travaille dans la finance et tombe – sans que l’on ne sache vraiment pourquoi – folle amoureuse d’un jeune marginal qui ne semble plus attendre grand chose de la vie. Et en effet, on apprend bientôt que Xu Zitai (Zhou You) souffre d’une maladie incurable. Leur histoire est donc doublement menacée, d’abord par le fiancé sadique de Xia You qui a pour habitude de la tabasser, et ensuite par la mort annoncée de Xu Zitai qui s’étire toutefois très en longueur aux yeux des spectateurs laissés en rade à qui il ne reste qu’à admirer une mise en scène assez sophistiquée, vaguement inspirée par le cinéma de Godard. Mais, au contraire de Vittoria, ce film n’évite aucun stéréotype jusqu’à une fin aux confins du risible. (Prochaines séances les 9 et 12 mars)

In Liebe, Eure Hilde d’Andreas Dresen (Sélection officielle hors compétition)

In Liebe, Eure Hilde © Pandora-Film-Frederic-Batie

Programmé lundi 10 mars, en collaboration avec l’Institut Pierre Werner, In Liebe, Eure Hilde raconte la courte vie et le combat de l’Allemande Hilde Coppi, guillotinée par les nazis en août 1943 pour haute trahison. Le film réalisé par Andreas Dresen avance sur deux lignes temporelles : vers le futur et la mort dans les séquences qui suivent l’arrestation de Hilde (Liv Lisa Fries) ; vers le passé et l’amour naissant pour son mari Hans (Johannes Hegemann) dans les flashbacks. Evitant le respect souvent un peu compassé des films sur les résistants de la Seconde guerre mondiale, le réalisateur peint un beau portrait de Hilde Coppi en femme moderne, simplement déterminée à offrir à son fils la possibilité d’un monde qui se situerait du côté de la vie et non de la mort (notre critique à la Berlinale 2024).

Kontinental ’25 de Radu Jude (Compétition)

Kontinental ’25 Droits réservés

80 ans plus tard, beaucoup de citoyens ont l’impression de n’avoir plus aucune prise sur l’évolution de la société. C’est le cas de l’huissière Orsolya (Eszter Tompa), qui, dans la coproduction luxembourgeoise Kontinental ’25 de Radu Jude (en compétition), n’est pas une résistante mais essaie au moins d’agir selon ses convictions dans un monde qui ne se soucie plus guère de justice et de morale. Contrairement à Hilde Coppi, Orsolya n’a pas d’ennemi tangible contre qui elle pourrait se battre. Il ne lui reste qu’un sentiment diffus de culpabilité qui en vient à menacer sa santé mentale, la coupe de sa famille et l’oblige à questionner ses choix de vie. Radu Jude trace le portrait d’une région (la Transylvanie), d’un pays (la Roumanie) et par extension du continent européen, où chacun semble surtout occupé à s’accommoder avec sa propre conscience dans un film très bavard et moins provocateur que les œuvres précédentes du réalisateur (notre critique à la Berlinale 2025). (Séances : 8, 13 et 14 mars)

A Fidai de Kamal Aljafri (Compétition documentaire)

A Fidai © Kamal Aljafri Productions

L’artiste palestinien Kamal Aljafari pratique une résistance à la fois plus directe et plus conceptuelle. En 1982, quand l’armée israélienne intervient au Liban où s’est établie l’OLP (Organisation de libération de la Palestine), elle récupère l’ensemble des documents conservés dans un centre de recherche palestinien à Beyrouth. Parmi ces archives, des films, tournés aussi bien par des colons que par des Palestiniens avant et après 1948, témoignent de la vie quotidienne et des combats palestiniens. En les confisquant, c’est une partie de la mémoire et de l’histoire palestinienne que les Israéliens mettent sous scellé.

Kamal Aljfari en a retrouvé certaines auprès de chercheurs israéliens qui en possédaient des copies. Il a décidé de se les réapproprier, en gommant les inscriptions faites après coup par les Israéliens et en les offrant à nouveau aux Palestiniens, présentée non pas en ordre chronologique mais plutôt à la façon d’un poème ou d’un rêve. Dans ce montage onirique s’entrechoquent des images de nature et de qualité très diverses, dont plusieurs sont en outre manipulées et déformées par le réalisateur. Il a notamment ajouté des plaques de rouge, révélant ainsi la présence continue de la violence et de la mort, y compris dans des situations apparemment paisibles. Il les a également sonorisées, appuyant ou infléchissant ainsi leur signification.

Présentées en-dehors de tout contexte (on ne connaît ni leurs auteurs, ni le lieu, la situation ou le moment dans lesquels elles ont été filmées), les images en elles-mêmes ne démontrent rien si ce n’est la longévité d’un conflit qui remonte bien avant 1948. Mais elles posent justement et pertinemment la question de leur identité, de leur détournement et de leur rôle, non seulement en tant que témoignage mais également comme support de mémoire et prise de pouvoir sur le récit historique (prochaine séance le 9 mars).

Pour ceux qu’intéresse le conflit palestinien, rappelons que le documentaire No Other Land, primé à la Berlinale en 2024 et Oscar du meilleur film documentaire en 2025, sera présenté dans le cadre du Festival le 14 mars.

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