Vermiglio de Maura Delpero
Deuxième long métrage de la réalisatrice italienne Maura Delpero, Vermiglio a remporté le Grand prix du jury à la dernière Mostra de Venise. Basé sur l’histoire familiale de la cinéaste, le film raconte, dans un style naturaliste inspiré de la peinture, la vie d’une communauté montagnarde à la fin de la Seconde guerre mondiale.

Alors que le monde semble devenir de plus en plus virtuel et désincarné, découvrir – ne serait-ce que sur un écran de cinéma – des gens qui vivent au rythme des saisons et au contact d’une terre rude, procure presque un sentiment d’exotisme. Et quand tout va trop vite, le fait de se trouver immergé dans le temps lent du très beau film de Maura Delpero, s’avère étrangement apaisant.
Vermiglio (du nom du village où est situé le récit) se passe à la fin de la Seconde guerre mondiale, mais pourrait tout aussi bien être situé au 19e siècle. Dans ce lieu perdu au cœur des Alpes, même les signes avant-coureurs de la modernité ne sont pas encore arrivés. Il n’y a pas de machines, pas d’électricité, pas de téléphone et les femmes y accouchent, dans la douleur, d’un enfant par an. Certains ne survivent pas au froid de l’hiver. Le film ne prône pas un retour nostalgique vers un passé idéalisé. Il nous fait ressentir la fatigue des corps, les mains rêches des femmes, le lourd silence des hommes, mais aussi le rire des enfants ou la douceur d’un flanc de vache sur laquelle la jeune Lucia (Martina Scrinzi) pose sa joue quand elle la trait. La plupart des villageois sont illettrés, ils ne parlent que le patois et quand arrive un déserteur sicilien (Giuseppe De Domenico), ils l’accueillent sans cacher leur méfiance. Est-il un lâche, un traître ou juste un homme qui a fui la guerre ? Les avis divergent mais Lucia tombe amoureuse de ce soldat dont personne ne comprend vraiment la langue, et décide de l’épouser.

En français, le film est sous-titré La Mariée de la montagne et la bande annonce semble suggérer une histoire d’amour. La relation entre Lucia et Pietro est en effet au centre du récit mais Vermiglio est bien plus que cela. Dans sa description d’une communauté villageoise coupée du monde, il fait parfois penser à Das weisse Band (2009) sauf qu’ici la violence, que mettait sournoisement en scène Michael Haneke, est plus estompée, moins palpable mais néanmoins présente. Elle est là dans le dénuement des maisons où les enfants dorment à deux ou trois dans le même lit et où aucune intimité n’est possible, dans le visage exténué de la mère (Roberta Rovelli) qui a perdu trois bébés et met au monde son dixième, dans la rigidité morale de l’instituteur (Tommaso Ragno) qui n’exprime ses sentiments qu’à travers la poésie et la musique, dans la torture que s’inflige sa fille Ada (Rachele Potrich) tourmentée par l’attrait pour son propre corps et celui de la voisine.
Au milieu d’un paysage grandiose, magnifiquement filmé par le directeur de la photo Mikhail Krichman, l’univers des personnages semble rétréci, le poids des traditions et le contrôle de l’église et de la communauté sont omniprésents, à la fois pesants et invisibles. La seule fenêtre sur l’extérieur est un vieil atlas dans le bureau du patriarche, et la seule porte de sortie possible le départ vers la grande école et la ville. Ada rêve d’y aller mais son père, conscient qu’il ne pourra payer les études qu’à un seul de ses enfants, décide que ce sera sa sœur Flavia, plus intelligente à son avis. Ada fera une bonne épouse, dit-il, mais Ada refusera ce destin.

Ce que dépeint par ailleurs, avec beaucoup de douceur et sans aucune afféterie, Maura Delperto, c’est la complicité entre les trois sœurs et leur envie de vivre autrement. Son long métrage se veut un hommage aux femmes de sa famille qui ont vécu à Vermiglio. C’est aussi l’histoire d’une maternité, celle de Lucia, qu’elle refuse après un drame qu’on ne dévoilera pas ici, avant d’accepter à la fin l’existence de sa fille Antonia. Arrivée au terme de son récit, la réalisatrice ouvre alors son film, permettant à Lucia, Ada et Antonia une échappatoire qui n’a rien de triomphaliste mais trace le chemin vers un autre destin possible.
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