forum_C: „What Will People Say“ d’Iram Haq ★★★☆☆

La première séquence est éloquente. Nisha (Maria Mozhdah) court. Elle court d’un endroit à un autre mais surtout d’un monde à un autre. D’un côté, il y a ses amis norvégiens avec lesquels l’adolescente rigole, joue au basket, danse, kiffe et flirte. De l’autre, sa famille pakistanaise où elle est la chaste et obéissante fille unique, destinée par son père (Adil Hussain, vu dans Life of Pi) à être ingénieure ou médecin. De vivre ainsi entre deux mondes n’est pas toujours aisé mais la jeune fille, intelligente et insouciante, semble loin de se douter de l’abîme qui sépare son vécu de celui de ses parents. Alors qu’elle se sent Norvégienne, eux vivent en vase clos entre le petit magasin du père, fréquenté principalement par des immigrés pakistanais, et l’appartement où la mère reçoit les épouses de ces derniers. Ni le père ni la mère ne parlent couramment le norvégien.

(c) Mer Film / Beta Cinema

On a quand même quelque mal à croire Nisha naïve au point de laisser entrer un soir son petit ami norvégien dans sa chambre. Ils ne font que s’embrasser mais bien évidemment, le père les surprend et réagit comme le lui ordonne sa culture. Il frappe les deux jeunes, un voisin avertit la police et la famille est convoquée chez les services sociaux. Nisha tombe des nues quand ce père qui la chérissait et la gâtait, la rejette froidement alors qu’elle a le sentiment de n’avoir rien fait de mal. Pour sauver l’honneur, il estime n’avoir d’autre choix que d’envoyer Nisha chez sa tante au Pakistan.

L’histoire est en partie autobiographique. La réalisatrice Iram Haq qui vit en Norvège a été envoyée par ses parents à Karachi quand elle avait 14 ans. Elle n’a ensuite plus parlé à son père jusque peu avant la mort de ce dernier. Aussi le film est-il est d’abord et avant tout l’histoire d’amour impossible entre un père, prisonnier d’une tradition qui soumet l’honneur des hommes au comportement des femmes, et sa fille devenue incapable de répondre à ces attentes. On regrette que le personnage de la mère, qui n’est définie que par son conformisme (c’est elle qui ne cesse de se demander « ce que vont dire les gens »), n’ait aucune place dans ce récit, pas plus que le grand frère qui n’agit qu’en complice – un peu gêné quand même – du père. L’attitude de la mère, mais aussi celle la tante qui accueille Nisha au Pakistan, aurait pourtant été l’occasion de thématiser le rôle que les femmes jouent dans leur propre asservissement.

(c) Mer Film / Beta Cinema

Les spectateurs, et plus encore les spectatrices, seront forcément du côté de Nisha et révoltés par l’injustice et la violence des situations auxquelles elle est livrée sans défense. Mais la réalisatrice trouve aussi l’équilibre juste entre la dénonciation de traditions archaïques (qui existent dans le film indépendamment de la religion) et la difficulté à s’émanciper de la pression d’une communauté refermée sur elle-même. En ce sens, Nisha et son père sont des personnages pareillement tragiques mais qui au final trouveront le courage de faire les bons choix. On ne peut s’empêcher de penser alors aux milliers de femmes, mariées de force ou victimes de crimes d’honneur, qui n’ont pas eu la même chance.

Actuellement à l’affiche au ciné Utopia

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