forum_C : „The Man Who Killed Don Quixote“ de Terry Gilliam★☆☆☆☆

(Viviane Thill) En 2004, à la sortie du documentaire Lost in La Mancha (sur le désastre que fut le premier tournage avorté avec Jean Rochefort et Johnny Depp), j’écrivais que The Man Who Killed Don Quixote était un film mort-né. Après quelque 15 années d’acharnement thérapeutique, Terry Gilliam a donc réussi, contre toute attente, à faire revivre son bébé. Mais le cinéma nous a appris le terrible destin des morts ressuscités : ils sont sans âme.

C’est malheureusement ce qui est arrivé à cette mouture de Don Quichotte, personnage qui n’a jamais porté chance aux cinéastes. Le roman a été adapté plus de cent fois pour le grand écran mais l’histoire du cinéma n’a retenu que les deux projets qui n’ont pas abouti : celui d’Orson Welles qui avait travaillé sur une adaptation pendant 30 ans jusqu’à sa mort, et celui de Terry Gilliam.

(c) Océan Films Distribution

Les films « maudits » qui ne voient jamais le jour ont ceci de formidable qu’ils sont du cinéma sans le cinéma puisqu’ils finissent par exister non seulement dans la tête du réalisateur mais dans la nôtre. Les en extraire, leur donner vie et forme, est une entreprise à haut risque tant on les a imaginés parfaits. La déception est préprogrammée et elle l’est d’autant plus quand les ingrédients habituels de l’ex-Monty Python (univers surréaliste, critique de la déshumanisation de la civilisation moderne, célébration de l’imagination et du chaos opposés à l’ordre et à l’autoritarisme, remise en question de toute forme de pouvoir) tournent à vide dans un scénario qui part dans tous les sens mais – contrairement au chevalier errant de Cervantès – ne semblent jamais aboutir nulle part.

Sur le papier, on aurait pourtant pu y croire : un cinéaste autrefois prometteur mais depuis longtemps récupéré par l’industrie publicitaire (interprété par Adam Driver, moyennement inspiré) retrouve au fin fond de la Mancha le cordonnier (Jonathan Pryce) qui avait interprété Don Quichotte dans son film de fin d’études (celui-ci, dont on voit des extraits, semble largement inspiré de l’esthétique wellesienne, ce qu’il faut sans doute voir comme un clin d’œil). Or, depuis 10 ans, ce brave homme se prend réellement pour Don Quichotte et, quand il retrouve le cinéaste Toby, croit voir en lui son fidèle écuyer Sancho Panza. Après une série de péripéties plus ou moins inspirées de Cervantès et qui épuisent rapidement le spectateur, les deux compères (le rêveur et le rationaliste) sont amenés à « sauver » la paysanne qui joua autrefois Dulcinée (Joana Ribeiro) et qui est dorénavant la victime plus ou moins consentante d’une sorte de Harvey Weinstein russe.

Est-ce que, poussé à bout par les producteurs et les assureurs qui l’avaient empêché pendant toutes ces années de réaliser son Don Quichotte, Terry Gilliam a perdu de vue son film initial ? Tel qu’il est maintenant The Man Who Killed Don Quixote est en premier lieu une parodie grossière (et très rarement drôle) sur le monde du cinéma, thématique que Lost in La Mancha avait traitée de façon bien plus originale et divertissante. Comme son personnage, Gilliam a cependant des accès de lucidité. « C’est pathétique » dit ainsi à un moment Toby, commentant le comportement du Don. C’est malheureusement aussi ce qu’on a envie de dire du film.

(c) Océan Films Distribution

Dans la presse, beaucoup saluent l’acharnement de Terry Gilliam à faire le film, peu s’extasient sur le résultat. La malédiction est d’ailleurs encore loin d’être levée, le Tribunal de Grande Instance de Paris ayant en juin donné raison au producteur Paulo Branco qui revendique des droits sur le film alors que Terry Gilliam avait coupé les ponts avec lui pour cause de divergences artistiques (mais en oubliant de résilier le contrat en bonne et due forme). Terry Gilliam a annoncé se pourvoir en cassation. En attendant, Amazon s’est déjà retiré du projet et la sortie dans les pays anglophones reste suspendue à ce conflit judiciaire. Les entrées en France sont décevantes et le film risque de ne jamais rapporter les 16 millions d’euros qu’il coûtés.

The Man Who Killed Don Quixote a quitté le royaume du rêve pour entrer dans celui du monde bien réel mais il n’est pas dit qu’il laissera une trace dans l’histoire du cinéma autre que comme le film qui fut à l’origine du documentaire Lost in La Mancha !

Actuellement au cinéma.

extrait (c) Océan Films Distribution

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