- Kino
L’avenir du cinéma d’auteur international se joue en France
(Viviane Thill) Au dernier festival de Cannes, 14 films sur 21 en compétition et 48 longs métrages sur un total de 94 présentés en Sélection officielle, à la Quinzaine des Réalisateurs et à la Semaine de la Critique étaient des productions ou coproductions françaises, majoritaires ou minoritaires. Cela n’a rien d’une exception. Il y a deux ans, outre le candidat français officiel, 26 films sur 92 (ce qui correspond à 28% !) envoyés dans la course à l’Oscar du meilleur film étranger étaient coproduits par la France dont Barrage de la Luxembourgeoise Laura Schroeder qui représentait le Grand-Duché. Quatre de ces films étaient même des coproductions majoritaires françaises envoyés par d’autres pays : l’Autriche (Happy End de Michael Haneke), le Liban (The Insult de Ziad Doueiri), le Maroc (Razzia de Nabil Ayouch) et le Sénégal (Félicité d’Alain Gomis).
Barrage (Laura Schroeder) (c) Red Lion, coproduit avec la France
Des films belges, maghrébins mais aussi latino-américains, géorgiens, chinois, thaïlandais, suédois, kirghizes ou afghans doivent ainsi leur existence en partie à la France qui est « de facto devenue le centre névralgique du cinéma d’auteur international » comme le notait le 13 mai Nicolas Vulser dans Le Monde en rappelant que la France a signé des accords bilatéraux avec 57 pays dans le monde (un record).
Outre les coproductions traditionnelles, elle soutient depuis 1982 un grand nombre de cinéastes non francophones et a mis en place en 2012 l’« aide aux cinémas du monde » qui vise à défendre la diversité culturelle en matière cinématographique et au niveau international. La France joue par conséquent un rôle essentiel dans la découverte et le soutien aux cinéastes dans le monde entier. Sur 200 films finalisés depuis 2012 grâce à l’aide aux cinémas du monde, 160 ont été sélectionnés dans les quatre plus grands festivals du monde, apprend-on sur France-Culture. En 2019, 14 films (sur 87) envoyés à l’Oscar du meilleur film étranger avaient bénéficié de l’Aide aux cinémas du monde ce qui permettait à Frédérique Bredin, alors présidente du CNC (Centre national du cinéma et de l’image animée), de conclure : « Ce chiffre illustre le rôle central que jouent les professionnels français dans le cinéma international. La France est au cœur de la création mondiale ». Alléchés par le prestige à retirer, d’autres pays suivent l’exemple de la France dont le Luxembourg où le Filmfund gère depuis peu un fonds nommé « CineWorld » qui a soutenu – avec la France – deux films présentés à Cannes : Viendra le feu du réalisateur Oliver Laxe (d’origine galicienne) et The Orphanage de l’Afghane Shahrbanoo Sadat.
Par la quantité et la qualité des films coproduits, les sommes investies et la volonté politique, la France reste toutefois le leader incontesté sur le terrain de l’exception culturelle et du cinéma d’auteur dont l’existence dépend ainsi en grande, peut-être trop grande, partie de la volonté politique d’un seul pays. Tout cela est possible grâce un système de soutien créé à l’origine par André Malraux et financé notamment par la vente des billets dans les salles, les diffuseurs tv et le marché vidéo et VOD. Les chaînes de télévision françaises sont par ailleurs obligées de contribuer à la production d’un certain nombre de films français.
Ce système garantit certes la vitalité du cinéma français mais il a aussi quelques effets pervers et certains lui reprochent notamment de produire trop de films et des films qui ne sont vus par personne… ce qui tient aussi – mais pas seulement – au fait que les grosses productions bloquent de plus en plus de salles. Un rapport commandé par le gouvernement français est récemment venu pointer le besoin de faire évoluer ce système de financement dans un environnement où les modes de consommation changent radicalement. Utilisant un vocabulaire comme « maximisation de la rentabilité des actifs », ce rapport, dit « rapport Dominique Boutonnat » du nom de son auteur, a immédiatement fait réagir 11 organisations professionnelles qui craignent que la recherche de la rentabilité à court terme amène à l’affaiblissement du cinéma d’auteur français et, par ricochet, international. Un autre rapport («rapport Magne») préconise de plafonner les ressources du CNC. La présidente du CNC a immédiatement rejeté cette dernière idée, de même d’ailleurs que le Ministre de la Culture Franck Riester. A peine quelques semaines plus tard, on apprenait néanmoins que le mandat de Madame Bredin ne serait pas renouvelé. Il a pris fin le 14 juillet au soir sans que son successeur ne soit nommé. Or, un nom circule, et c’est celui de Dominique Boutonnat, certes producteur mais surtout proche de Macron et auteur du rapport déjà cité. Une pétition a été signée par le who’s who du cinéma d’auteur (Jacques Audiard, Arnaud Desplechin, Nicole Garcia, Cédric Klapisch, Bertrand Tavernier, e.a.) pour demander qu’il ne soit pas nommé. Jusqu’à dimanche soir, on n’en savait pas plus. Mais une partie du cinéma mondial tient peut-être à cette décision.
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