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14e Luxembourg City Film Festival : Ça commence aujourd’hui!
Le 14e Luxembourg City Film Festival démarre ce soir. Le film choisi pour l’ouverture est The Outrun de la réalisatrice allemande Nora Fingscheidt. Présenté une première fois au Festival de Sundance, puis dans la section Panorama de la Berlinale, il suit le parcours d’une jeune femme qui cherche à se libérer de sa dépendance à l’alcool.

Adapté d’un récit autobiographique d’Amy Liptrot, The Outrun suit le parcours de Rona (Saoirse Ronan, également l’une des productrices du film), jeune femme originaire des Orcades, un archipel au nord de l’Ecosse. A Londres où elle s’est installée, elle fréquente les bars et les discothèques, buvant jusqu’à perdre conscience et faisant peu à peu le vide autour d’elle. Ni ses amies, ni son amant Daynin (Paapa Essiedu) ne semblent en mesure de l’aider. Le film ne s’étend pas sur les origines ou les raisons de l’addiction de Rona, mais suggère qu’il existe un lien avec la bipolarité de son père (Stephen Dillane). Après avoir été quittée par Daynin et manqué d’être violée par un inconnu rencontré un soir de cuite, Rona décide de suivre une cure avant de retourner chez ses parents aux Orcades.
Dans son impressionnant Systemsprenger (2019), Nora Fingscheidt racontait l’histoire d’une petite fille dominée par une agressivité incontrôlable, Comme la toute jeune Bennie dans ce film, Rona est submergée par un trop-plein d’énergie, qu’elle dépense sur les pistes de danse mais qui se traduit aussi par des accès de violence quand elle est ivre et casse tout autour d’elle, au propre comme au figuré. L’énergie vitale de ces personnages féminins semble ainsi inévitablement se retourner contre elles. Pour les guérir, le réflexe de la société ou de la famille est – en toute bonne intention – de les enfermer dans des carcans, psychiatrique pour Bennie et religieux pour Rona dont la mère (Saskia Reeves) ne cesse de prier pour elle. Mais alors que la petite Bennie n’échappera pas à ses pulsions autodestructrices, Rona cherche une porte de sortie.
Elle y arrive en retournant à la nature, en se réfugiant au fin fond de la plus petite île des Orcades, celle où la pluie et la tempête ne laissent aucun répit aux quelques habitants. Le film oppose ainsi, de façon certes un peu caricaturale mais finalement assez convaincante, la ville à la campagne, les lumières artificielles d’une boîte de nuit londonienne au travail à la ferme. Les mains dans le cambouis ou dans l’utérus d’une brebis, Rona retrouve le sens des réalités et la force de résister à l’alcool.

Dès le début, elle est associée aux selkies, des créatures marines dont une légende dit qu’elles sont la réincarnation des matelots péris en mer. Quand elles sont dans l’eau, elles ressemblent à des phoques, mais parfois elles se retransforment en humains pour danser sur les plages. Si l’aube les surprend alors, les selkies restent bloquées dans leur corps humain, pleurant pour le reste de leurs jours la vie qu’elles menaient dans la mer. Comme elles, Rona est coincée entre deux états : sa vie à Londres et celle aux Orcades que le film entremêle, au point qu’il n’est pas toujours facile de savoir où et sur quelle ligne temporelle on se trouve, si ce n’est par la couleur changeante des cheveux de Rona. Pour sortir de l’addiction, Rona, comme les selkies, doit abandonner l’une de ses vies et donc réprimer une part d’elle-même. Le film utilise une autre image, encore plus puissante, pour évoquer ce refoulement : celle du monstre tapi dans les cavernes sous-terraines des Orcades et dont les habitants ressentent parfois le grondement. Rona apprendra à vivre avec ce monstre. « Ça ne sera jamais facile, mais avec le temps, c’est moins difficile » lui confie un ancien alcoolique, lui aussi venu se resourcer sur la plus petite des îles.
Contrairement à d’autres films sur le sujet, The Outrun ne montre pas, ou très peu, Rona vue à travers le regard d’autres personnages qui seraient là pour la juger ou la remettre dans le droit chemin. C’est son combat, son choix et sa détermination et on reste tout le temps avec elle. Cette subjectivité est soulignée par une bande son reprenant et magnifiant aussi bien la frénésie des boîtes de nuit que le vent balayant les îles. La nature n’est toutefois pas un simple décor ni uniquement l’élément mythologique permettant de dépasser un réalisme réducteur mais, en passant, le film thématise également la perte de la biodiversité et les ressources offertes par la nature. Fingscheidt va alors plus loin encore dans l’analogie entre la femme et la terre. « My body is a continent. Lightning strikes every time I sneeze, and when I orgasm, there’s an earthquake » dit Rona. Elle a réussi à transformer son excès d’énergie en puissance vitale.
Les tickets pour le Luxfilmfest sont disponibles sur la billetterie du festival.
De Nora Fingscheidt, on peut regarder le court métrage Signes (avec Diane Kruger) dans la série H24 sur arte.tv
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