Berlinale 5 – Désillusions

La Berlinale se termine bientôt sans qu’un favori ne soit jusqu’à présent apparu dans la Compétition. Drømmer, sensible coming of age du Norvégien Dag Johan Haugerud, se démarque toutefois agréablement. Du côté des coproductions luxembourgeoises, Radu Jude se penche dans son nouvel opus Kontinental ’25 sur l’évolution de la Roumaine et de l’Europe.

Drommer © Agnete Brun

La Berlinale présente en compétition Dreams, deuxième épisode d’une trilogie de l’écrivain et réalisateur norvégien Dag Johan Haugerud. Le premier, Sex, avait été présenté à la Berlinale en 2024 et vient d’être sélectionné au Luxfilmfest 2025. Le troisième, Love, s’est retrouvé au festival de Venise l’année dernière, avant même la sortie norvégienne en octobre 2024 du deuxième, Dreams, puis la présence de ce dernier en Compétition à la Berlinale aujourd’hui. Heureusement, les trois films constituent des récits indépendants qu’on peut regarder dans n’importe quel ordre.

Avec celle de Michel Franco, la Berlinale se retrouve de plus avec deux œuvres intitulées « Dreams » en compétition. Pour faciliter les choses, celui de Haugerud garde donc dans le programme officiel son titre norvégien Drømmer. L’intrigue est centrée autour de trois générations de femmes dont la plus jeune s’appelle Johanne (Ella Øverbye), a 17 ans et tombe follement amoureuse de sa prof de français nommée… Johanna (Selome Emnetu). Ebranlée par l’intensité des sentiments inconnus et contradictoires qui la submergent, Johanne décide de les coucher par écrit pour ne jamais les oublier. Ce texte qu’elle rédige est-il identique à ce que nous raconte Johanne dans la voix off ? On ne le saura pas car on n’en prend – très partiellement – connaissance qu’à travers les commentaires successifs de sa grand-mère (Anne Marit Jacobsen), puis de sa mère (Ane Dahl Torp) et d’une éditrice à laquelle ui il est finalement soumis pour publication.

Le Dreams norvégien est une étude, aussi sensible que subtile, de l’état amoureux et de ses illusions et désillusions, doublée d’une réflexion sur les jalousies et non-dits entre les générations, les histoires qu’on se raconte et la vie qui passe. Cela peut paraître beaucoup pour un film d’un peu moins de deux heures mais Dag Johan Haugerud arrive intelligemment, et souvent avec humour, à nous mettre dans la peau et les conflits des personnages. Seule la prof Johanna, objet fantasmé des désirs de Johanne, reste plus opaque.

Péché d’orgueil

Kontinental ’25  Droits réservés

Parmi les coproductions luxembourgeoises en lice pour l’Ours d’or, Kontinental ’25 du Roumain Radu Jude est jusqu’à présent celle qui semble avoir convaincu le plus grand nombre de festivaliers. Jude a déjà remporté ce même prix en 2021 pour Bad Luck Banging or Loony Porn. Cofinancé par Paul Thiltges Distribution (sans intervention du Filmfund), son nouvel opus se passe à Cluj, en Transylvanie, et suit l’huissière Orsolya (Eszter Tompa), durablement traumatisée par le suicide d’un SDF qu’elle venait d’expulser d’un squat, au point qu’elle renonce à partir en vacances avec sa famille.

Orsolya se targuait pourtant d’exécuter son travail de la façon la plus « humaine » possible. Légalement, elle n’a rien fait de mal mais n’est-ce pas plutôt la preuve que les lois ne protègent pas assez les citoyens ? Tourné avec un iPhone, le film est pour l’essentiel constitué de plans fixes réunissant Orsolya avec des personnes à qui elle essaie d’expliquer la culpabilité qui la ronge. Ses collègues se moquent gentiment d’elle ou racontent leurs propres anecdotes, une amie l’invite à rendre visite à des Roms, sa mère ne jure que par la Hongrie de Victor Orban et un prêtre lui explique qu’en s’accusant d’un péché qui lui a été pardonné, elle commet pire : un péché d’orgueil.

Kontinental ’25  Droits réservés

Entre ces scénettes qui sont autant de réflexions politico-morales, Radu Jude intercale des plans d’immeubles et de chantiers qui révèlent le développement désordonné des villes contemporaines. Le réalisateur ne moralise pas mais fait la constatation d’un monde sur lequel les citoyens ordinaires n’ont plus de prise. Pour apaiser leur conscience, ils sont invités à donner aux bonnes œuvres : deux euros pour Gaza et deux euros pour l’Ukraine. A la fin, la protagoniste se demande si elle ne serait pas plus en phase avec elle-même en redevenant enseignante… même si les étudiants de ses cours de droit finissent coursiers. Moins provocateur que les longs métrages précédents de Radu Jude, le film reste – à l’exception du début – un peu paresseux sur le plan visuel mais essaie au moins de faire réfléchir ses spectateurs.

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