„Krieg der Träume“

Une coproduction luxembourgeoise sur les années 20 et 30

Raconter 20 ans d’histoire européenne (voire mondiale) en quelque 400 minutes, voilà l’idée un peu folle de Gunnar Dedio et Jan Peter pour donner une suite à leur série 14 – Tagebücher des ersten Weltkriegs sur la première guerre mondiale.

Diffusée en 8 épisodes de 52 minutes, Krieg der Träume (le titre allemand est plus parlant et plus poétique que Les rêves brisés de l’entre-deux-guerres qui désigne la version française), coproduite au Luxembourg par Iris Productions, la série pose des questions intéressantes. Comment est-on passé de l’euphorie de la fin de la première guerre mondiale à l’arrivée au pouvoir des fascistes et à un nouveau conflit? Comment les rêves et les espérances des survivants de 14-18 se sont-ils brisés, comment les démocraties nées après 1918 ont-elles glissé vers des régimes autoritaires, comment la haine et la peur ont-elles gangrené les cœurs et les esprits jusqu’au point de non-retour?

Les années 20 et 30 sont paradoxalement une période peu présente dans la mémoire collective. On connaît les années folles et quelques épisodes marquants comme le crash boursier de 1929, l’arrivée au pouvoir de Hitler, les grandes purges en URSS, le Front populaire en France ou encore la guerre d’Espagne. Mais comment ces événements sont-ils liés? Et comment les gens les ont-ils vécu à l’époque?

Krieg der Träume ne fait pas appel à des historiens qui apporteraient un commentaire omniscient a posteriori. La série se base pour l’essentiel sur les journaux intimes des témoins, connus ou anonymes, des événements. Cette façon de suivre l’histoire au jour le jour permet au spectateur de mieux comprendre certains choix qui peuvent nous paraître après coup incompréhensibles, choquants ou naïfs. Les auteurs ont sélectionné pour cela 13 personnages principaux représentatifs parmi lesquels figurent l’actrice Pola Negri, Rudolf Höss qui sera le commandant d’Auschwitz et Nguyen Ai Quoc qui deviendra Ho Chi Minh. Mais aussi Hans Beimler, communiste mort dans la guerre d’Espagne, l’anarchiste May Picqueray, l’industriel Silvio Crespi, le tenancier de bordel Marcel Jamet et l’Anglaise Unity Mitford qui fut une sorte de groupie de Hitler. Leurs points de vue subjectifs et contradictoires vont finir par former un ensemble cohérent, comme les éclats de verre au générique sont rassemblés pour former le logo de la série.

Les auteurs ont par ailleurs choisi de mélanger images d’archives et scènes de fiction à parts plus ou moins égales. Les archives sont notamment utilisées en contrechamp: quand un personnage regarde par la fenêtre ou quand il entre dans une pièce, on nous montre des archives censées ancrer la scène fictionnelle dans la réalité. L’effet est parfois saisissant, mais le va-et-vient systématique entre archives (en noir et blanc) et fiction (en couleur) est plus souvent perturbant, nous arrachant à l’émotion de la scène fictive comme à la contemplation des documents historiques. Les archives sont aussi utilisées de façon informative en tant qu’actualités de l’époque. Mais elles peuvent également servir à illustrer les pensées d’un personnage ou à remplacer des séquences qu’il aurait été trop coûteux de reconstituer. Les producteurs de la série ont fait un travail remarquable dans la recherche de ces archives et il est dommage qu’elles soient ainsi morcelées. Intercalée entre les moments documentaires, la fiction n’y gagne pas davantage: les scénaristes n’ont pas le temps de construire et d’amener une situation mais se concentrent sur les points d’orgue et les phrases-clé de chaque séquence. Les acteurs ne semblent d’ailleurs pas toujours à l’aise dans ce dispositif, obligés qu’ils sont de jouer d’emblée au paroxysme de la scène.

Pour raconter 20 ans d’histoire dans à peine sept heures de film, les auteurs ont bien sûr dû procéder à quelques simplifications et faire des choix. On reste du coup dubitatif quand le réalisateur Jan Peter déclare dans un making of «Wir haben keine These. Wir zeigen einfach was passiert» ou le producteur Gunnar Dedio «Wir erzählen etwas, das genau so stattgefunden hat» comme si leur récit s’était imposé à eux sans intervention de leur part et que ce qu’ils racontent était «la» réalité! Mais leur récit, comme tout récit historique, est une construction. Tout en intégrant des événements en France, en Suède, en Italie et même aux Etats-Unis, ils se sont ainsi concentrés en grande partie sur l’Allemagne et la Russie. Peut-être parce qu’ils sont tous deux nés dans l’ancienne RDA et/ou parce que les crimes de Staline restent moins connus et moins médiatisés que ceux de Hitler, quatre des personnages principaux ont un lien direct avec l’URSS et y font des expériences négatives à divers degrés. La complexe situation politique en France dans les années 30 n’est en revanche quasiment pas décrite. Des événements comme les accords de Munich sont à peine cités alors que l’élimination de la SA dans l’Allemagne nazie occupe presque un épisode entier. Malgré une contribution financière substantielle du Luxembourg, il n’y a aucun personnage luxembourgeois, mais il aurait été sans doute difficile d’en trouver qui soit représentatif.

L’engagement est un sujet principal: comment des hommes et des femmes, dans des situations comparables, en arrivent-ils à s’engager l’un dans le communisme et l’autre dans le fascisme ? Dans le cas des sœurs Mitford, le déchirement passe au sein de la même famille et très concrètement au milieu de la même chambre que se partagent Unity, l’amoureuse de Hitler, et sa sœur communiste.

Les auteurs mettent aussi en avant les parallèles avec le monde d’aujourd’hui: crises financières, chômage, pauvreté, attentats, radicalisation, rejet des immigrés, peur de l’autre, tentation autoritaire et le pacte avec le diable que signent les démocraties quand elles pensent devoir apaiser les fascistes. C’est l’aspect le plus saisissant et le plus pédagogique de la série qui a par ailleurs l’immense avantage de rappeler de nombreux épisodes historiques consciemment ou inconsciemment rayés des différents récits nationaux.

 

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