Artistes ambassadeurs ?

Version française de l’article de Laura Kollwelter, Künstler als Botschafter, forum 352, Juni 2015.

L’art luxembourgeois devrait contribuer à soigner l’image du Grand-duché  à l’étranger. Les moyens engagés à cet effet sont cependant modestes et ne correspondent guère aux intérêts des artistes.

Ces temps-ci, tout le monde parle du Luxembourg. Au moins au Luxembourg. En juillet commence la présidence luxembourgeoise du Conseil de l’Union européenne. Pendant six mois, le Luxembourg assurera la présidence du Conseil de l’Union européenne. En parallèle, on peaufinera le soi disant nation branding. Par cette façon le gouvernement essaie de créer une image plus positive et recourt à des stratégies de marketing utilisées par ailleurs par des marques commerciales.

Pendant cette présidence, le Luxembourg est sous les feux de la rampe de l’Europe. C’est l’occasion de véhiculer vers l’extérieur les slogans du nation branding. En font partie entre autres, le faire-valoir des richesses culturelles. Plusieurs projets, tant à Luxembourg qu’à Bruxelles, s’insèrent dans ce concept.

Prestige au lieu de risque

Les buts de ces projets ne sont pourtant pas toujours perceptibles. Le centre culturel bruxellois BOZAR met en place pour chaque présidence un programme culturel dédié à ce pays. Pour les six mois à venir, le Ministère de la Culture luxembourgeois a donc élaboré un programme en collaboration avec BOZAR. Voilà une occasion unique pour présenter la scène culturelle luxembourgeoise à un public international.

Le programme n’est pas encore publié, mais l’on sait néanmoins déjà que l’artiste luxembourgeoise Tina Gillen y exposera. Sans mettre aucunement en question la qualité de ses travaux, cette décision à de quoi surprendre.

Tina Gillen est une jeune peintre, qui vit et travaille depuis des années en Belgique. Une galerie bruxelloise la représente et elle a déjà exposé dans des maisons belges renommées, comme le centre d’art contemporain Wiels ou le musée d’art contemporain d’Anvers.

Pourquoi donc offrir pareille plate-forme à une artiste déjà bien établie en Belgique? N’eut-il pas été plus intéressant d’offrir cette possibilité à un – ou mieux encore à plusieurs – artistes qui n’ont peut-être encore jamais pu se présenter à un public belge? C’eut été une belle occasion d’ouvrir la scène culturelle luxembourgeoise à un nouveau public. Un peu plus de goût du risque aurait été le bienvenu!

Parent pauvre et sauveteur

Mais depuis Luxleaks, plus question de prendre des risques. On panique dès qu’il s’agit de l’image du Luxembourg à l’étranger- sans doute pour de bonnes raisons. Dessiner une image florissante de la nation, telle semble être la priorité suprême du coûteux projet de nation branding. L’idée de promouvoir dans ce contexte la culture luxembourgeoise à l’étranger est tout à fait louable. Si les motifs consistent cependant à cacher les pêchés économiques derrière une scène culturelle dynamique, et de produire de la sorte une amnésie sur Luxleaks,  alors il y a problème. La culture ne peut être à la fois le parent pauvre de la politique budgétaire et le sauveteur de l’image !

Un paysage disparate de promotion

Mais au-delà des feux de la rampe d’une présidence ou des soins aigus à apporter à l’image, l’État veut aider les artistes luxembourgeois  pour construire une carrière à l’étranger. Les moyens de promotion sont multiples, mais en partie aussi disparates.

Le Fonds Culturel National (FOCUNA) est un acteur important qui, depuis la prise en main par Jo Kox, fournit un travail de promotion basé sur la transparence. Artistes et acteurs culturels peuvent s’adresser aussi directement au Ministère de la Culture et y demander un appui financier. Pour le secteur de la musique (qui représente la moitié du budget culturel du Luxembourg),  le bureau d’export music:LX a été créé. On peut se poser la question pourquoi ce traitement privilégié est réservé à la musique. Artistes plasticiens, écrivains, acteurs ou danseurs ne s’opposeraient certainement pas à une initiative de cette envergure pour leurs domaines.

À l’étranger l’État agit pour une promotion active et passive par la diplomatie culturelle[1]. À noter ici de grandes disparités. Dans les 65 pays où le Luxembourg est présent par une ambassade ou un consulat, il y a en tout et pour tout 7 „Maisons Grand Duché du Luxembourg“- et ce à Berlin, Paris, Varsovie, Tokyo, Bruxelles, Londres et New York. Il s’agit en quelque sorte d’un centre culturel, où l’on met des espaces à la disposition d’artistes luxembourgeois. Ce n’est qu’à Berlin et Paris où des fonctionnaires dédiés s’occupent du programme et de la diffusion. Les 2 postes sont en charge du programme de la Maison Grand-Duché du Luxembourg et figurent comme intermédiaires entre artistes luxembourgeois et des institutions allemandes et françaises, afin de créer une sorte de réseau bilatéral. Le premier volet vise plutôt les „expats“, le deuxième est essentiel pour la promotion culturelle d’un pays.

Ce rôle d’intermédiaire est important, parce qu’il permet à des artistes de pénétrer dans des musées, des salles de concert ou de théâtre qui ne dépendent pas de leur nationalité, mais de leur art. En général, il importe peu au public de savoir de quel pays l’artiste vient. On ne s’identifie pas avec une œuvre d’art par la nationalité de l’artiste, mais par son art. Un exemple: un Luxembourgeois vivant à l’étranger qui est fan de metal, n’ira pas à un concert de Cathy Krier pour le seul motif qu’elle est Luxembourgeoise. Un fan belge de metal pourtant, qui fera connaissance d’un groupe de metal luxembourgeois à Anvers, continuera le cas échéant à s’y intéresser, achètera  un disque et voudra peut être mieux connaître la scène luxembourgeoise. Il ne s’agit donc pas d’imposer par tous les moyens un cachet „Made in Luxembourg“[2], mais d’aborder le matériau artistique lui – et de lui trouver un public adéquat, à Luxembourg ou ailleurs. Ceci exige un travail qui coûte du temps, que la diplomatie culturelle luxembourgeoise ne fait valoir pour l’instant qu’en Allemagne et en France. Dans d’autres pays pareil travail dépend exclusivement des ambassadeurs et de collaborateurs motivés. Une promotion extérieure cohérente n’est pas au rendez – vous.

Elle comporte aussi des frais élevés. La grandeur du pays l’exigerait néanmoins. Au Luxembourg, un artiste aura vite fait le tour des institutions culturelles. Pour pouvoir travailler tout au long de l’année, il/elle devra nécessairement être présent(e) à l’étranger. Dans un „Riicht eraus“[3]  de février dernier Jo Kox a abordé cet aspect et a proposé d’utiliser les moyens du FOCUNA exclusivement pour des projets d’artistes luxembourgeois à l’étranger. Même si lui- même estime qu’il s’agit d’un vœu pieux, cet argument est parfaitement justifié. Le Grand-Duché a besoin d’un bureau d’export structuré comme on le trouve dans d’autres pays européens[4].

Une promotion concrète à l’étranger fait donc encore défaut. Malheureusement le portail bien fait Culture.lu a du fermer sa rubrique „Nos artistes dans le monde“ pour raison de coupure budgétaire. Le chemin pour y arriver sera encore long et difficile.

Apprécier la scène culturelle autochtone

La reconnaissance à l’étranger est – comme nous l’avons indiquée- essentielle pour la scène culturelle luxembourgeoise. La reconnaissance intramuros est plus importante encore. Dans une carte blanche à la radio 100,7 Yves Stephany[5] regrettait l’absence de pareille appréciation nationale. Alors que music:LX aide des musiciens à se produire à l’étranger, on semble avoir honte à l’intérieur du pays de la scène musicale. Stephany citait l’exemple du „Sonicvisions Festival“ conçu pour permettre à de jeunes talents prometteurs de se produire devant des bookers internationaux: Au lieu de  mettre les groupes luxembourgeois en avant, on les présente en début d’après-midi ou tard la nuit, donc pas en „prime time“. Autre exemple: le festival „Food for your senses“, qui a dû être annulé cette année. Ce Festival international  basé exclusivement sur du travail de bénévoles n’avait pas trouvé de terrain  approprié. Un appui insuffisant de la part des ministères compétents a été critiqué.

Comment créer une scène culturelle à l’étranger qui soit durable pour les artistes et le public, si on rend la vie dure à l’intérieur des frontières aux acteurs culturels innovateurs et créatifs ? Comment propager une image positive de nos artistes à l’étranger, si nous ne les appuyons pas à 100% chez nous ?

Le Luxembourg doit en premier lieu développer au plan national la confiance en soi, apprendre à apprécier sa diversité culturelle et l’appuyer pour sa propre valeur. Seul celui qui ressent sa culture comme forte, importante et riche peut espérer convaincre, s’il veut l’exporter.

 


[1] Voir l’article:  Daniel Conrad, „Leidenschaft vermitteln“, im Luxemburger Wort, 9. mai 2015.

[2] On peut évoquer ici, qu’à côté de quelques autodidactes, rares sont les artistes qui ont appris leur métier au Luxembourg. Le cachet „Made in Luxembourg“ est donc comparable avec l’étiquette Levis, cousu au dernier moment sur le pantalon pour pouvoir l’appeler „Made in the USA“. La formation et la production artistique est trop complexe pour la définir par le seul dénominateur national .

[3] Riicht eraus mam Jo Kox“, Radio 100,7, 14. février 2015.

[4] Voir l’Institut des relations internationales en Allemagne, Wallonie- Bruxelles en Belgique ou le British Council au Royaume Uni .

[5] Yves Stephany, „Kulturchronik: Fear of Music“, Radio 100,7, 20. mai 2015.

Als partizipative Debattenzeitschrift und Diskussionsplattform, treten wir für den freien Zugang zu unseren Veröffentlichungen ein, sind jedoch als Verein ohne Gewinnzweck (ASBL) auf Unterstützung angewiesen.

Sie können uns auf direktem Wege eine kleine Spende über folgenden Code zukommen lassen, für größere Unterstützung, schauen Sie doch gerne in der passenden Rubrik vorbei. Wir freuen uns über Ihre Spende!

Spenden QR Code