- Armut
La lutte contre la pauvreté pour contrecarrer la lutte des classes
Après avoir lu le dossier concocté par la rédaction de forum, une conclusion s’impose : la lutte contre la pauvreté doit figurer parmi les urgences dans le programme électoral de tous les partis politiques, et ceci autant sur le plan communal que sur le plan national.
Des contributions fournies par des experts se dégagent, à notre avis, les mesures suivantes à prendre pour faire baisser le risque de pauvreté qui place en ce moment le Luxembourg à la 2e place au hit-parade négatif de l’Union européenne. Devant la gravité de cette situation, il serait certainement utile d’organiser, tous les ans, un débat à la Chambre des députés pour faire le point sur la pauvreté et l’efficacité des mesures pour y remédier, et en même temps sur la richesse et l’inégalité croissante parmi les habitants et les salariés au Grand-Duché.
Plus concrètement et en tout premier lieu, il s’agira d’élever le salaire social minimum au niveau du budget de référence calculé par le Statec qui devrait permettre une vie en dignité dans le contexte de vie chère au Grand-Duché. Cela permettra de réduire le nombre des working poor et celui des personnes tributaires du REVIS (revenu d’inclusion sociale). Le montant du REVIS mis à disposition de ceux qui n’ont pas de revenu salarial devra également être augmenté.

Comme une des raisons de la pauvreté est le nombre d’enfants ainsi que la monoparentalité, une autre mesure urgente à prendre consiste à adapter les allocations familiales (Kannergeld) à l’indice des prix – ce qui vient d’être fait –, à adapter aussi le barême fiscal à cet indice et à reclasser les familles monoparentales dans la classe d’impôts 2 au lieu de 1a.
Dans le même ordre d’idées, il faudra adapter l’allocation de loyer au revenu du ménage, mesure d’autant plus importante que pour nombre de locataires, plus d’un tiers de leur revenu doit être dépensé pour le loyer. Finalement, la couverture universelle des soins de santé devrait être généralisée pour toutes les personnes sans adhésion à la Sécurité sociale.
Si les services de prise en charge des nécessiteux, qu’il s’agisse des offices sociaux ou des associations caritatives privées, font un travail digne d’admiration, des améliorations sont malgré tout à envisager, à commencer par une meilleure formation des assistants sociaux ou carrément par l’inversion de l’initiative : que les services d’aide n’attendent plus d’être contactés par les personnes dans le besoin, mais aillent de leur propre initiative à leur rencontre. Par ailleurs, Caritas revendique une harmonisation des critères et des aides offertes par les offices sociaux1.
J’ajouterais, pour ma part, en reprenant une revendication du dossier « Elections communales » publié dans forum n° 429, que tout conseil communal formé après le 11 juin 2023 devrait inscrire dans son programme le nombre de logements dits sociaux qu’il compte réaliser durant la période de son mandat. Car un logement décent est une des conditions absolument nécessaires pour pouvoir sortir de la pauvreté.
Toutes ces mesures nécessiteront vraisemblablement une hausse des impôts pour pouvoir les financer. Une telle hausse est régulièrement refusée sous prétexte qu’elle risque d’entraîner le départ d’entreprises et de riches citoyens d’origine étrangère. Abstraction faite de l’absence de preuve d’une telle supposition, elle témoigne de la préférence des gouvernements successifs de choyer les riches plutôt que de combattre la pauvreté. Une telle attitude est indigne du pays au PIB le plus élevé de l’Union européenne.
Cette attitude est d’autant plus perverse que c’est le système économique basé sur l’accumulation illimitée de profits aux mains d’une minorité qui est à la base de l’appauvrissement d’une frange de plus en plus large de la société. C’est le capitalisme qui engendre non seulement une inégalité de plus en plus criante entre riches et pauvres dans les pays industrialisés, mais aussi entre pays industrialisés et pays de l’hémisphère sud fournisseurs de matières premières. La pression de migrants venant de pays pauvres pour trouver un emploi et avoir un revenu dans les pays riches, et que l’Union européenne s’efforce en vain d’endiguer, n’est qu’une expression de ce que Karl Marx appelait la lutte des classes. Son analyse n’a guère été démentie par un néolibéralisme effréné depuis l’arrivée au pouvoir des Ronald Reagan et Margaret Thatcher, imités par leurs épigones dans l’Union européenne et au Luxembourg.
L’organisation non-gouvernementale internationale de développement OXFAM vient de publier lors du World Economic Forum à Davos une étude scientifique2 qui prouve que de 100 dollars créés ces dix dernières années, 54,4 dollars sont allés au 1 % des plus riches et 0,70 dollar aux 50 % du bas de l’échelle. Les deux années de pandémie ont permis au 1 % de gens les plus riches du monde d’accroître leur fortune de 26 milliards de dollars, alors que les 99 % restants ont dû se partager 16 milliards. Pour la première fois depuis 25 ans, le nombre de personnes vivant dans une pauvreté extrême a augmenté de nouveau, alors que les efforts de réduction avaient commencé à porter leurs fruits. OXFAM propose, entre autres, de taxer les revenus provenant de capitaux, les dividendes, au même taux que les revenus du travail et d’introduire partout un impôt sur la fortune. (La réintroduction d’un tel impôt permettrait par ailleurs au Luxembourg de mesurer de manière valable la distribution de la richesse en complétant les rapports sur la pauvreté par un rapport sur la richesse.) La lecture du rapport d’OXFAM devrait être obligatoire pour toute femme et tout homme exerçant ou aspirant à exercer une responsabilité politique.
1 A lire le catalogue de revendications pour les élections communales : https://www.caritas.lu/caritas-news/actualites/le-changement-commence-au-niveau-local (dernière consultation : 23 février 2023).
2 OXFAM International (éd.), Survival of the Richest. How we must tax the super-rich now to fight inequality, janvier 2023
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