Being Black in Luxembourg
Les états d’âme de la ministre
Comment mesurer le racisme ? En faisant le décompte des actes racistes relayés par la presse ou à travers les plaintes auprès du Parquet ? En demandant l’avis des personnes concernées, soit à travers des entretiens qualitatifs, soit à travers une enquête représentative ? C’est pour cette dernière approche qu’a opté l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (FRA) en analysant les expériences vécues par près de 6 000 personnes d’ascendance africaine dans douze Etats membres1. Publiée sous le titre Etre noir dans l’UE – Being Black in the EU, cette étude a fait grand bruit au Luxembourg parce qu’elle est en contradiction avec l’image d’Epinal d’un pays ouvert et accueillant véhiculée par les campagnes de nation branding du gouvernement et aussi avec l’image que les Luxembourgeois se font normalement d’eux-mêmes2.
J’avais présenté l’étude dans cette rubrique même en janvier 20193. Depuis, elle a été relayée par Finkapé, le réseau des afrodescendants au Luxembourg, et reprise dans une question parlementaire posée par Dan Biancalana. La réponse de la ministre de la Famille et de l’Intégration, Corinne Cahen, se voulait lénifiante.4
Son argument principal : les auteurs de l’étude indiquent que « faute de disposer des données de référence requises », la méthodologie pour la composition de l’échantillon pour le Luxembourg diffère de celle pour les onze autres pays, ce qui rendrait la comparaison délicate. On pourrait ajouter une autre réserve : avec seulement 402 personnes interrogées, les marges d’erreur sont assez élevées. Ceci entache, en effet, le résultat d’un certain flou, mais même en améliorant son score de 5 à 10 %, le niveau des discriminations perçues au Luxembourg reste au-dessus de la moyenne des douze pays et le résultat est désastreux pour l’image du pays (voir tableau).
Les deux autres arguments du ministère sont irrecevables : 1) Le faible nombre de signalements pour faits racistes auprès du Centre pour l’égalité de traitement (CET) – « une vingtaine de dossiers par année en moyenne », dixit le ministère – est tout au plus un indicateur pour la notoriété de cette institution auprès du public concerné. 2) Le fait que dans un sondage auprès de la population résidente, seulement 37 sur 1 020 personnes interrogées déclarent « avoir été victimes d’une discrimination au motif de la “race” au cours des années 2012-2014 » confirme le caractère inopérant de telles questions dans des sondages d’opinion « grand public ». Si l’on veut connaître le vécu d’une population discriminée, cela ne sert à rien de demander l’avis de la majorité qui la stigmatise… parfois même sans s’en rendre compte. ff
- http://fra.europa.eu/en/publication/2018/eumidis-ii-being-black
(toutes les pages Internet auxquelles est fait référence dans cette contribution ont été consultées pour la dernière fois le 8 septembre 2020). - D’après un Eurobaromètre datant de 2019 au Luxembourg, seulement 34 % des personnes interrogées pensent que des discriminations sur base de la couleur de la peau existent, comparé à une moyenne de 59 % pour toute l’Union européenne. https://ec.europa.eu/commfrontoffice/publicopinion/index.cfm/ResultDoc/download/DocumentKy/88319
- https://www.forum.lu/article/als-schwarzer-in-luxemburg/
- Question parlementaire n° 1239 du 23.09.2019 du député Dan Biancalana.
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